Alors qu’un nouvel accord de « compétitivité » augmentant le temps de travail et maintenant le blocage des salaires est en passe d’être signé par plusieurs syndicats de Renault, un nouvel épisode des tentaculaires rémunérations de son PDG Carlos Ghosn a été dévoilé dans la presse.
Il s’agit d’un « petit » bonus de 6,4 millions d’euros obtenu grâce à une plus-value potentielle sur des stock-options dont il avait reçu l’option d’achat il y a 4 ans…
Supprimer des emplois... et faire travailler plus ceux qui restent
L’accord de 2013 arrivant à son terme le 31décembre 2016, un deuxième accord de « compétitivité » a été « négocié » par la direction et les syndicats pendant les mois de novembre et décembre. En réalité, la direction n’a modifié que quelques détails à son projet initial dont elle a distillé les éléments pendant plusieurs semaines. L’accord aboutirait à supprimer encore des emplois et à faire travailler plus ceux qui restent, le tout en continuant à bloquer leur salaire...
Ainsi, seules 3 600 embauches sont promises en 3 ans, alors qu’environ 4 500 départs « naturels » (retraite ou dispense d’activité anticipée pour le personnel sur chaîne) sont attendus et que la direction dit vouloir réduire le nombre d’intérimaires de 4 500 personnes. Aujourd’hui, 9 000 intérimaires travaillent dans les usines du périmètre de l’accord. Le résultat : environ 5 500 emplois supprimés, après les 7 000 du précédent accord signé en 2013. Les conséquences : les conditions de travail vont encore empirer pour les salariés qui trimeront dans les usines et les centres techniques.
Ce nouvel accord prépare d’ailleurs le terrain, avec la possibilité d’obliger les salariés à augmenter leur temps de travail quotidien d’1 heure (jusqu'à 50 journées par an). Le travail du samedi se généralise également et les directions locales pourront même imposer jusqu’à 7 samedis travaillés par an. C’est le seul point sur lequel la direction a dû reculer car son projet initial lui permettait d’imposer tous les samedis travaillés pendant 6 mois ! Mais ce ne sont pas les « négociations » dans les salons de la direction qui l’ont fait reculer sur ce point, mais quelques réactions de colère, dont un débrayage important dans l’usine de Flins mi-novembre.
Blocage des salaires de ceux d’en bas, explosion des rémunérations de ceux d’en haut
L’accord de 2013 imposait la « modération salariale », ce qui, dans le langage patronal, signifie supprimer les augmentations générales de salaires et octroyer de maigres et rares augmentations individuelles. Celui de 2017 passe à la « politique salariale cohérente avec le marché ». Les mots changent, mais la réalité reste la même : pour la direction, toujours pas question d’une augmentation générale des salaires !
Pour les dirigeants de Renault, il n’y a aucune « incohérence » à ce que, dans ce contexte, les rémunérations multiformes du PDG Carlos Ghosn défraient la chronique. Elles conduisent même à un concert de réprobations de la part de personnalités totalement improbables. Pierre Gattaz s’était déclaré « un peu choqué » en mai 2016 lorsque Ghosn était passé outre le vote des actionnaires sur sa rémunération annuelle de 7,3 millions d’euros chez Renault, alors qu’il en touche déjà 9 millions en tant que PDG de Nissan. Le secrétaire général du mouvement de Macron a lui réagi après la révélation des 6,4 millions d’euros d’« étrennes » 2016 de Ghosn : « c’est toujours moralement choquant de constater que l’on peut gagner comme ça ».
Les réactions faussement outrées continueront probablement, puisque Ghosn, qui a fait prendre à Nissan le contrôle de Mitsubishi... touchera ainsi un troisième salaire de PDG ! Sa première décision a d’ailleurs été de tripler le plafond des rémunérations du conseil d’administration du constructeur en difficulté...
Le salaire des attaques anti-ouvrières et de la répression
Ces millions dont les capitalistes gavent leurs fidèles serviteurs sont le salaire des attaques anti-ouvrières qu’ils mènent sur l’ensemble du globe. Les attaques actuelles sur le temps de travail et les salaires en France sont justifiées par la prétendument faible « compétitivité » des usines françaises par rapport aux usines espagnoles. Elles-mêmes sont mises en concurrence avec celles de Roumanie ou de Turquie. Et lorsque des mouvements de grève naissent dans ces dernières, les directions locales menacent de délocaliser la production au Maroc...
Et quand ces menaces se heurtent à la combativité ouvrière, les pires méthodes répressives sont mises en œuvre. Ainsi, dans l’usine de Bursa en Turquie, plus de 500 salariés ont été licenciés en 2016 pour leur appartenance à un syndicat combatif et leur participation à des grèves pour des augmentations de salaires. Un tribunal turc vient de condamner Renault à verser de fortes indemnisations à une première vague de salariés.
La situation est proche chez Nissan où la direction de l’usine de Canton dans le Mississippi (USA) tente d’empêcher la constitution d’un syndicat par le harcèlement et la menace. Un dossier vient d’ailleurs d’être déposé contre Renault-Nissan par le syndicat américain United Auto Workers auprès de l’OCDE dans trois pays d’Europe.
Pour répondre à ces attaques qui ne connaissent pas de frontières, aux travailleurs d’établir des liens entre eux, de partager leurs expériences de luttes pour faire vivre la solidarité internationale et renverser le rapport de forces.
Correspondant