La grève des pilotes d’Air France aura polarisé l’information sociale de la semaine. Elle déclenche les réactions habituelles des médias concernant les salariés « privilégiés » d’Air France, d’autant plus lorsque la grève concerne les navigants.Ce mouvement n’est pas un phénomène isolé dans le ciel européen. Il y a quelques jours, c’était les navigants de Lufthansa qui étaient en grève, tant il est vrai que les grands groupes européens du transport aérien mènent des attaques similaires pour dégager des marges financières. Et le nouveau plan d’Air France, « Perform 2020 » mériterait bien aussi une réaction massive de toutes les autres catégories professionnelles de la compagnie.
La cause principale de la grève est la décision de développer la filiale low cost Transavia. La direction veut notamment délocaliser l’emploi en créant de nouvelles bases au Portugal et en Bavière à des conditions de rémunération bien moindres que celles pratiquées en France. La direction a elle-même annoncé qu’elle allait consacrer 1 milliard d’euros pour développer cette compagnie low cost alors que, en trois ans, Air France aura réalisé 1 milliard d’économie sur les emplois et les salaires. En clair, les restrictions imposées vont servir à financer le low cost. Il ne s’agit donc pas d’un nouveau développement, mais bien d’un redéploiement d’activités. Une bonne partie des nouvelles lignes de Transavia seront des lignes desservies aujourd’hui par des avions et des équipages Air France... permettant ainsi d’escamoter des milliers d’emplois.
Deux ans après avoir dit qu’Air France risquait de mourir et supprimé 7 500 emplois, le PDG De Juniac promet aujourd’hui d’atteindre, pour les actionnaires, un retour sur capital investi de 9 à 11 %. Il promet aussi une croissance basée sur la suppression d’autres emplois à Air France, en empochant des dizaines de millions avec le CICE et les deniers promis pour le Pacte de compétitivité.
De Juniac a été récompensé l’année dernière pour son action économique exemplaire... Gageons que le Medef le récompensera rapidement pour son plan de croissance remplaçant des emplois stables par des emplois low cost. Hollande et Valls ne cessent-ils pas de dire qu’il faut baisser « le coût du travail », nouveau terme générique désignant les salaires des travailleurs ? Il est temps que « le coût du travail » relève la tête !
Léon Crémieux