Il est des scandales qui révèlent la corruption d’une entreprise ou d’une société. Celui commencé chez Volkswagen, et qui embrase maintenant toute l’industrie automobile mondialisée, fait partie de ces événements ravageurs, la fraude révélée concernant au moins quatorze millions de voitures...
On a l’habitude de les dénoncer, mais autre chose est la révélation à l’échelle du monde entier de l’ampleur des tricheries.
La partie immergée de l’iceberg
Alors que certains veulent opposer le « bon » capitalisme industriel à la « méchante » spéculation financière, la morale des uns n’a visiblement rien à envier à celle des autres. En effet, la révélation du scandale libère les informations.
On vient ainsi d’apprendre que seul un véhicule sur 10 respecte les normes anti-pollution. « Il est fort probable que d’autres constructeurs aient recours à des logiciels destinés à optimiser les tests en laboratoires, en particulier ceux qui utilisent des moteurs diesel », a aussi déclaré une responsable de Transport et environnement1 à l’origine de la divulgation de ces données.
Aussi, le diesel propre est une fable, qu’il soit étiqueté allemand ou français. Le « Stop à l’impunité du made in Germany » de Jean-Luc Mélenchon, outre qu’il ignore les liens étroits entre constructeurs automobiles, détourne les salariéEs de la lutte contre leur adversaire commun.
Rabaisser les normes... pour plus de profits
Pourtant, pour l’Europe, ces normes, dont on apprend qu’elles ne sont pas appliquées, sont régulièrement renégociées avec les constructeurs automobiles depuis 1993. Pas de naïveté : santé publique et réchauffement climatique ne sont pas leurs premières motivations car les intérêts concurrentiels savent se faire entendre. Aux États-Unis, la plus grande sévérité des normes sur le diesel, loin d’être due à une passion nord-américaine pour l’écologie, est une mesure de type protectionniste pour les constructeurs nord-américains non spécialisés dans ce type de moteurs.
L’industrie automobile n’est pas sortie stabilisée de la crise de 2008-2009, et la concurrence s’exacerbe sur tous les marchés. Ce qui se passe aujourd’hui en est la conséquence. En juillet dernier, l’Association européenne des constructeurs automobiles s’alarmait : « alors qu’elle était la plus profitable au monde en 2007 avec 15 milliards de profits, l’industrie automobile européenne a vu ses marges fondre pour répondre au durcissement des normes et a enregistré un milliard de pertes en 2012 »2. Et le PDG de Renault d’enfoncer le clou : « les investissements pour la réduction des émissions de CO2 seront plus efficaces dans d’autres secteurs que dans celui du transport. »3 Et cela n’empêche pas Renault d’être un sponsor de la COP21 de Paris !
Alors que les émissions de CO2, facteur du réchauffement climatique, sont le fait des moteurs à essence, l’effet cancérigène des particules les plus fines d’oxyde d’azote émises par les moteurs diesel est validé par l’OMS depuis 2012. Il n’empêche qu’autoproclamés experts en santé publique, les constructeurs automobile continuent à nier ce fait avéré. La préparation de la fin du diesel, sans destruction d’emploi ni pénalisation des populations condamnées à l’usage des voitures les plus vieilles, est une question pour aujourd’hui.
Valls et Macron au secours des constructeurs automobile
PSA et Renault, spécialisés en Europe dans le moteur diesel, ont été incités à continuer par Valls et Macron. C’est le même aveuglement qu’après Fukushima, où la firme publique Areva a poursuivi ses investissements nucléaires, avec en conséquence différée les massives suppressions d’emploi d’aujourd’hui.
Les dirigeants sauront toujours s’en sortir, à l’exemple du président de Volkswagen « remercié »... avec 25 millions d’euros ! Au « N’ayez pas peur ! » de Macron relisant les fiches des constructeurs automobile pour vanter le diesel, il faut opposer l’exigence d’une transparence fondée sur les lanceurs d’alerte et des travaux indépendants, les salariés du rang y participant avec leur expérience. Celle-là même qui, après des décennies de combat, avait permis de commencer le procès de l’amiante.
Le scandale d’aujourd’hui est l’expression condensée d’un système fondé sur la concurrence, la propriété privée et le profit de quelques-uns. Les fraudes se sont développées à cette échelle car le secret garantit, croyaient-ils, l’impunité aux puissants. La levée du secret qui préside aujourd’hui aux opérations industrielles et financières dans tous les domaines de la production capitaliste est une exigence élémentaire à conquérir. Et c’est bien le procès du mode de production capitaliste qu’il faut instruire.
Jean-Claude Vessilier