Publié le Jeudi 24 mars 2011 à 22h16.

Actualité de la révolution en Algérie?

L’onde de propagation des processus révolutionnaires en cours en Tunisie et en Egypte débouche sur une tentative de recomposition politique de l’opposition algérienne. La crise politique majeure ouverte par ces révolutions voisines, et désormais en Lybie, met le pouvoir algérien en alerte face à une société qui est en ébullition. En effet, des grèves éclatent dans de nombreux secteurs (transport, éducation, santé, justice, agents municipaux, grandes écoles, chômeurs) et se radicalisent.Le pouvoir ne peut se permettre une répression à la Lybienne, tant l’agitation sociale est généralisée et la contestation profonde

La création de la CNCD (1) a illustré le début de cette recomposition. Mais la présence en son sein de deux partis discrédités a nui à la capacité de mobilisation des masses derrière cette coordination. Ceci a abouti, sous la pression de groupes de jeunes, le 23 février, à la division en deux structures: «Coordination de la société civile», regroupant jeunes chômeurs, syndicats autonomes, SOS disparus et LADDH, et la «CNCD» d’autre part, qui regroupe les autres organisations initialement incluses. Si la marche du 12 février a permis de «briser le mur de la peur», l’enjeu de l’ouverture du champ politique et de la démocratisation est central. Depuis 19 ans, le spectre du terrorisme a servi de prétexte à la classe dirigeante algérienne pour maintenir l’arbitraire sur les partis, interdire manifestations et contrôler les canaux d’expression, tout en prétendant être un Etat de droit et une démocratie, à travers le maintien de l’état d’urgence.

Rigide autant qu’il est fragile, le régime est politiquement discrédité par son autisme et sa corruption. Coupé de la population, il ne cesse de mentir, d’entraver les libertés, et mobilise les forces de répression de façon disproportionnée (30000 policiers à Alger pour le 12 février, face à quelques milliers de manifestants, répression féroce des étudiants). Pourtant, il vient de céder à la première revendication sous la pression conjointe des mobilisations, des injonctions de la diplomatie américaine (visite d’un diplomate appelant à une libéralisation politique) et de la crainte inspirée par le risque de révolution: le 24 février, le décret sur la levée de l’état d’urgence a été publié. C’est que les intérêts des impérialistes français et américains dans le cas de l’Algérie sont énormes, en raison des échanges économiques, mais surtout pour éviter que la flambée des cours mondiaux d’hydrocarbures ne se poursuive, suite aux révolutions en cours dans la région et ne menace la reprise économique mondiale. Gaz et pétrole étant les principales ressources exploitées en Algérie, il leur devient vital d’éviter une instabilité politique prolongée qui augmenterait les prix.

L’autre objectif du mouvement était de mettre à bas le système de pouvoir algérien. Dans ce but, la question de l’unité est un problème épineux, tant le système de pouvoir autoritaire et corrompu a imprégné les comportements de bien des leaders d’opposition, divisé et entâché la confiance de la population. La détermination de ceux qui luttent n’est pas entamée, malgré la répression. C’est l’absence d’impulsion politique unitaire forte et durable, qui n’a pas encore permis aux masses d’entrer en action de façon coordonnée. La première victoire que représente la fin de l’état d’urgence va les encourager. En France, il faut soutenir l’action du comité de soutien pour le changement en Algérie, afin de porter des coups contre l’impérialisme et le racisme de notre gouvernement.

Houria Ould Ali

(1) Coordination nationale pour le changement et la démocratie, impulsée dès le 21 janvier, suite aux émeutes, et qui regroupe la Ligue Algérienne des Droits de l’homme, des syndicats autonomes (Snapap, SNTFP, Satef, CLA), les partis: RCD, MDS, PLD, le réseau Wassila, le mouvement des Archs, l’Association nationale des familles de disparus, l’Association de défense des droits des enfants, le collectif national pour la liberté de la presse. Cette coordination a permis d’impulser des manifestations le 12 et le 19 février, malgré l’interdiction liée à l’état d’urgence de manifester à Alger et Oran.