La conférence de Londres sur l’Afghanistan, qui réunissait les forces qui y mènent la guerre, a décidé d’un plan de réconciliation avec les talibans qui déposeraient les armes. Jeudi 28 janvier, à la conférence de Londres, dans le vocabulaire de l’impérialisme occidental, les talibans ont changé de statut. Ils font désormais partie de ceux que Bernard Kouchner, dans une interview au Figaro, caractérise comme des « insurgés nationalistes ». Souvenons-nous. En 2001, l’invasion de l’Afghanistan été présentée comme le début d’une croisade pour faire faire tomber les « États voyous » et les réseaux terroristes de la région. L’Irak, le Yémen, l’Iran, le Hezbollah au Liban ou le Hamas en Palestine étaient visés. Le but de redessiner un « Grand Moyen-Orient » parsemé de bases militaires de l’Otan ou des États-Unis était vendu aux opinions publiques, via la rhétorique du « choc des civilisations ». Les talibans, avec qui rien n’était négociable, furent la première cible. Neuf ans après, le mot qui a dominé la conférence de Londres a été « réconciliation ». Après l’attribution du prix Nobel de la paix au chef de la première puissance impérialiste de la planète, Londres décide d’un plan de réconciliation basé sur la corruption. Un fonds international de 358 millions d’euros a ainsi été constitué pour acheter des seigneurs de guerre et des chefs talibans. La rhétorique est évidemment trompeuse car elle s’accompagne d’une augmentation des troupes de l’Otan. Il s’agit en fait d’affaiblir la résistance en la divisant et le secrétaire de la défense britannique a averti que cette stratégie se traduirait d’abord par plus de morts. Qui pourra encore croire que l’objectif de cette guerre serait la démocratie ou le droit des femmes alors qu’on prône maintenant un accord entre Hamid Karzaï, l’organisateur de fraudes électorales massives, et des chefs de guerre et anciens ministres talibans prêts à retourner leur veste par appât du gain ? La stratégie de Londres essaye de sauver l’impérialisme occidental entraîné dans la spirale du « toujours plus de troupes » en Afghanistan alors que la situation devient explosive en Irak, qu’Israël prépare une nouvelle agression au Liban, que les États-Unis déploient des batteries anti-missiles autour de l’Iran et engagent un nouveau front au Yémen. Désormais l’impérialisme est nu. Car la thématique de la réconciliation est un double aveu. Aveu de la possibilité d’une défaite en Afghanistan qui pourrait sonner comme un encouragement pour la résistance, ruinant la tentative d’en retourner une fraction significative. Aveu ensuite que les raisons données à l’invasion n’étaient que des prétextes. Et cet aveu pourrait peser lourd dans les métropoles de l’impérialisme si les cercueils revenant d’Afghanistan se multiplient. Point de départ d’une offensive globale, l’Afghanistan est devenu le maillon faible du système impérialiste. Une défaite de celui-ci serait une victoire pour la seule réconciliation que nous voulons construire, celle entre les peuples qu’ils ont cherché à diviser. Denis Godard