La mission de l’Otan en Afghanistan, Resolute Support, 13 450 soldats dont 8 400 membres de l’armée américaine, est officiellement terminée depuis fin 2014, et Barack Obama devait retirer les dernières troupes début 2017. Rien n’a été fait et l’Afghanistan est enlisé dans un chaos meurtrier.
Le gouvernement de Kaboul contrôle tout au plus 60 % du pays, le reste étant sous la coupe des talibans qui se heurtent aujourd’hui à la concurrence armée de Daech. L’année 2016 a été la plus meurtrière depuis le début de la guerre en 2001, il y a 16 ans, y compris dans la capitale. La corruption règne en maître.
Seule réponse de l’Otan et du Pentagone, envoyer « quelques milliers » de militaires supplémentaires pour selon son secrétaire général, Jens Stoltenberg, « une mission de formation, d’assistance et de conseils, parce que j’ai la ferme conviction que la meilleure réponse que nous pouvons apporter au terrorisme, la meilleure arme que nous avons contre le terrorisme, c’est de former les forces locales contre le terrorisme ». Même baratin pour justifier la poursuite de l’occupation et de la guerre... qui engendre le terrorisme.
Les conseillers militaires de Trump appuient ce nouvel engagement militaire, qui sera formellement décidé lors du sommet de l’Otan le 25 mai et ne serait qu’une première étape dans un investissement militaire plus important, pour tenter de reprendre la main sur le pays qu’ils voudraient stabiliser pour en faire une base militaire, ce que Obama n’a pas réussi.
Contre Daech... s’appuyer sur les talibans !
Mi-avril, le largage sur un site jihadiste de la bombe non nucléaire la plus puissante que les USA aient jamais utilisée étaient un brutal signe annonciateur de cette offensive militaire. Le Pentagone prétend en finir avec Daech en Afghanistan dans les prochains mois pour empêcher que ce dernier ne devienne un « repaire des terroristes internationaux ».
Même si ce bluff d’état-major réussissait, éliminer Daech « serait comme gagner une bataille, alors que nous perdons la guerre, ce qui est à la base ce que nous faisons en Afghanistan depuis le début de notre présence ici », selon les propos d’un officier. Éliminer Daech ne pourra se faire qu’en renforçant les talibans, en négociant avec eux, une constante de la politique du pouvoir mis en place par les Américains. Ainsi celui que l’on surnomme « le boucher de Kaboul » (il bombarda la ville sans merci entre 1992 et 1996), Gulbuddin Hekmatyar, le chef du Hezb-e-Islami (le parti islamiste), vient de rallier le pouvoir, revenu à Kaboul escorté par un convoi de près de 200 véhicules bardés de mitrailleuses, et par plusieurs hélicoptères. Ce seigneur de guerre a été reçu par le président Ashraf Ghani, l’homme des Américains, qui espère ainsi une reprise des discussions avec les talibans. Des manœuvres et tractations compléments de la guerre qui s’entretiennent mutuellement contre la population et toute possibilité de retrouver le chemin de la paix.
L’Afghanistan, qui n’a jamais connu la paix depuis 40 ans, occupé par les troupes de l’Otan depuis 16 ans (jusqu’à 150 000 hommes en provenance de 50 pays en 2011), voit s’engager une nouvelle escalade militaire que chacun sait sans issue. Des milliards de dollars sont engloutis dans une guerre sans fin qui perpétue les drames que subit la population, accentue la déstabilisation de la région au risque de l’extension de la guerre...
Yvan Lemaitre