Outre-Rhin, la pression monte sur Amazon. Trois jours de grève ont eu lieu la semaine dernière dans cette société solidement implantée dans le pays, avec un chiffre d’affaires annuel de neuf milliards d’euros et 9 000 salariéEs...
La semaine dernière, cinq des sites allemands de cette entreprise de vente en ligne – sur neuf au total – ont été touchés par des arrêts de travail. Cela a commencé dans la nuit de dimanche à lundi à Leipzig (Saxe) et Bad Hersfeld (Hesse), puis s’est étendu le lundi matin à Graben (Bavière) et à Rheinberg (Rhénanie du Nord-Westphalie). Le mercredi, le site de Werne (Rhénanie du Nord-Westphalie) a aussi rejoint la grève.Celle-ci a été organisée par Ver.di, la très grosse fédération syndicale des services qui compte deux millions d’adhérentEs. L’enjeu concerne la convention collective : l’employeur compte continuer à appliquer celle du transport routier (moins favorable), estimant qu’Amazon est une entreprise de transport. Or, se basant sur le fait que l’essentiel de l’activité d’Amazon consiste à vendre et à livrer des articles aux acheteurs individuels, Ver.di revendique l’application de la convention collective du commerce du détail. La différence du régime conventionnel a des conséquences, notamment en termes de salaire et de primes. Ver.di critique aussi une charge de travail trop importante et des pauses insuffisantes.
« Esclavage moderne »La réputation d’Amazon en Allemagne est ternie, surtout depuis février 2013 lorsqu’un reportage télévisé – filmé en caméra caché – avait montré les conditions de travail des intérimaires dans l’entreprise. Elle recrute massivement dans toute l’Europe, surtout dans la période précédant Noël, des salariéEs en CDD et en intérim, de nombreux jeunes venus d'Espagne et d’autres pays en crise d’Europe du Sud renforcer les effectifs. Début 2013, l’entreprise avait déployé un lourd arsenal de communication pour tenter de réfuter les informations évoquant un « esclavage moderne ».La politique générale d’Amazon implique de recruter l’ensemble des salariéEs d’abord sous forme de CDD ou de contrat précaire, pendant au moins une ou deux périodes. Ensuite, un tri est effectué et seuls les « bons éléments » sont éventuellement repris en CDI. Aussi l’entreprise s’implante-t-elle souvent dans des régions en crise industrielle, profitant de l’absence de perspectives de travail, y compris pour des salariéEs qualifiés et/ou titulaires d’un Bac. Ainsi, à Rheinberg, si le taux de chômage local de 7,5 % (contre 4,8 % à l’échelle nationale) semble faible vu de France, il est nettement supérieur à la moyenne. La ville reste marquée par la disparition de son industrie textile, et la municipalité se trouve en état de faillite, ses budgets annuels nécessitant l’agrément des autorités régionales. Cela rend la mairie et la population locale « sensible » aux pressions de l’entreprise...Selon Ver.di, environ 2 000 salariéEs ont participé à la grève de la semaine dernière, dont plusieurs auraient adhéré au syndicat dans la foulée. L’entreprise, dont le siège mondial se trouve aux États-Unis, prétend qu’il ne s’agissait « que de 1 200 salariéEs » et n’entend ni négocier ni même discuter. Elle mise visiblement sur une stratégie du pourrissement. De nouvelles grèves sont possibles et pourraient « perturber » l’activité d’Amazon dans la période précédant Noël, lorsque son activité est au comble.
Bertold du Ryon