Publié le Mardi 4 mars 2025 à 12h20.

Allemagne : Alstom Görlitz, la folie des chars au lieu du chemin de fer

Le 5 février 2025 sera plus tard compris comme une date importante du « changement d’époque » allemand. Ce jour-là, une « réunion d’information » a eu lieu à l’usine Alstom de Görlitz.

En présence du chancelier Scholz (SPD), le directeur d’Alstom Dawidowsky a célébré la fin de plus de 175 ans de construction de véhicules ferroviaires dans cette ville frontalière d’Allemagne de l’Est. Il a déclaré : « Nous sommes heureux d’avoir réussi à trouver une solution bonne et durable pour le site et les employés ».

Licenciements

Quelle est cette « solution bonne et durable » ? Selon Alstom, la reprise de « 350 à 400 des quelque 700 employés » a été convenue avec le constructeur de chars KNDS. En outre, KNDS veut « examiner » la possibilité de « proposer » des emplois à 75 autres collaborateurs sur d’autres sites KNDS. Une centaine d’autres postes seraient proposés dans d’autres usines Alstom. Il semblerait que « près de 580 des 700 collaborateurs pourraient ainsi trouver un emploi chez Alstom ou KNDS ».

En fin de compte, un peu plus de la moitié du personnel de Görlitz sera « vendue » à KNDS. Le « reste » sera licencié ou mis au repos dans l’espoir d’éventuelles offres d’emploi chez KNDS et Alstom. En outre, le groupe veut vendre l’immense terrain de l’usine au plus offrant. Et tout cela, bien qu’aucune compensation d’intérêts et aucun plan social contraignant n’ait été convenue avec le comité d’entreprise. Cette tactique permet à Alstom d’empocher des millions supplémentaires pour sa stratégie de démantèlement.

La destruction de centaines d’emplois et de places d’apprentissage, nécessaires de toute urgence pour la réorientation du trafic vers le rail, est en soi un scandale de premier ordre.

Démantèlement

Scholz a révélé sa dimension encore plus dangereuse. Il s’est tenu devant une bannière portant l’inscription « un avenir radieux pour le site industriel de Görlitz », rappelant George Orwell, et s’est félicité lui-même, les deux groupes ainsi que les (toujours) employéEs, de ce projet de démantèlement et de transformation. Scholz a constaté : « Nous avons accompagné cette transition de près [...]. Ce jour marque le début d’un nouveau chapitre ».

Pour certains, au sein d’IG Metall (IGM) aussi, il semble qu’un « nouveau chapitre » ait commencé. Lorsqu’en 2016, les projets de fermeture de l’usine de Görlitz qui appartenait alors à Bombardier ont été rendus publics, l’IGM réagissait encore avec des mots durs. Si le groupe persiste dans ses projets, « nous sommes en guerre ».

Il est désormais prévu de produire pour la ou les guerres à partir de 2026, mais le deuxième président d’IGM, Kerner, déclare à ce sujet : « Après des années d’incertitude, les salariés sont enfin au clair. En tant qu’IG Metall, nous avons participé activement à tous les niveaux à la recherche d’un investisseur pour le site de Görlitz. La solution trouvée permet désormais à la majorité des salariés d’avoir de bonnes perspectives professionnelles ».

Où est le bilan critique de la « convention collective du futur » achetée en renonçant à la prime de vacances et non appliquée par Alstom ?

Les illusions répandues par la direction de l’IGM sur le « partenariat social » et le « co-management » continueront à affaiblir la base syndicale et à renforcer l’AfD. Le contre-pouvoir syndical est différent ─ tout particulièrement en ces temps de glissement autoritaire vers la droite et d’intensification de la lutte des classes par le haut.

Heinrich Neuhaus