L’augmentation spectaculaire du budget militaire allemand – 70 milliards d’euros annuels visés ainsi qu’un budget exceptionnel de 100 milliards – a été votée au début du mois de juin. Par la coalition social-démocrate-écolo-libérale, puis avec les conservateurs pour obtenir la majorité de deux tiers, nécessaire au changement constitutionnel libérant le budget exceptionnel des règles anti-dette. Comme quoi quand les capitalistes le veulent, ils peuvent bien passer outre.
Une pluie d’argent public pour les marchands de la mort annonce donc le « tournant historique » (dixit le chancelier social-démocrate Scholz) pour la politique allemande, « géant économique » mais « nain politique». Volte-face certes, même si le budget annuel avait déjà été augmenté de 10 milliards depuis 2018 et que « l’armée de défense » avait déjà su brillamment « se défendre » en Irak, au Kosovo ou en Afghanistan, notamment quand la gauche était au pouvoir !
La guerre, c’est bon pour les affaires
Tout cela dans un étouffant climat d’union nationale – les seules réticences parlementaires concernaient la rigueur budgétaire – pour faire face à la menace russe (dont le budget militaire est déjà moins élevé que celui de l’Allemagne). Surtout, il s’agit de ne pas répéter le scénario du début de l’invasion : d’abord hésitant, car l’Allemagne est partenaire économique étroit de la Russie, le gouvernement a dû se plier intégralement à la volonté et la puissance militaire de l’impérialisme américain. Dans le concert des nations, les missiles comptent plus que les bilans d’exportation…
La France, elle, s’inquiète… non pas face à la surenchère guerrière, mais de peur d’être doublée, et surtout que son industrie d’armement soit ignorée ! En effet, la première commande de 35 avions de chasse a profité aux F 35 américains. D’abord les Australiens, maintenant les Allemands. À croire qu’il n’y a que l’armée française qui apprécie le Rafale de Dassault. Mais heureusement pour le complexe militaro-industriel hexagonal, il reste un espoir : les premières voix qui exigent que la France « réponde » à cette augmentation du budget militaire nous donnent un petit avant-goût de la course à l’armement à venir.
Le service civique obligatoire : combler les trous et paver la voie
L’argent magique s’accompagne d’un discret retour des discussions sur le service militaire, même s’il n’est toujours pas appelé comme tel par les politiciens, tant la réticence de la population est forte.
C’est pourquoi le président Steinmeier a brillé avec une nouvelle proposition : un « service civique obligatoire ». Quelques oppositions, sur l’axe anti-liberticide, ont reçu une volée d’accusations de tout bord : les « jeunes marqués par l’hyperindividualisme libéral » refuseraient « d’être utiles à la société » (avant une vie d’exploitation… inutile du coup ?). Peu de critiques cependant face au but évident du projet : combler les failles des métiers du soin exsangues avec des jeunes non formés et sous-payés. Il s’agirait même d’une aide : certains choisiraient de poursuivre dans un métier auquel ils ont pris goût lors de leur service civique. Ils ont probablement oublié de demander leur avis aux milliers de soignantEs qui abandonnent leur métier chaque année après avoir « goûté au plaisir » des salaires de misère, des services vétustes et du sous-effectif.
Mais ce service pourrait aussi être effectué à l’armée, qui a déjà mis en place de nombreuses mesures d’attractivité. Manière de remettre en place un service militaire partiel (l’armée offrant de meilleures conditions que le secteur civil), sans l’opposition provoquée par un vrai rétablissement. Et de réapprendre aux jeunes à « servir la nation » ? Après avoir été laissés pour compte pendant deux ans de pandémie, l’opposition de nombreux et nombreuses jeunes au projet est en tout cas bien justifiée !