Sous la chaleur de l’été argentin, ce 24 janvier, la classe travailleuse a infligé un coup significatif au gouvernement de Javier Milei. En fonction de l’évolution des mobilisations, ce mouvement politique pourrait marquer la défaite du plan d’austérité promu par le président ultralibéral et réactionnaire.
Seulement 45 jours après l’entrée en fonction du président, un mouvement de grève s’est organisé pour s’opposer au décret de nécessité et d’urgence (DNU, équivalent argentin du 49.3 français) et loi « omnibus » (paquet de lois), initiatives qui visaient à conférer au gouvernement des pouvoirs quasi-dictatoriaux et abolir en bloc les conquêtes et droits sociaux des classes travailleuses, déjà largement affaiblies par les différents gouvernements néolibéraux qui se sont succédé au cours du dernier demi-siècle.
La grève du 24 janvier a bénéficié d’un large soutien, avec un impact important dans les secteurs des transports, de la santé, des services publics et de l’industrie. Mais ce sont surtout les manifestations dans les principales villes du pays qui ont donné son rythme au mouvement, en rassemblant des centaines de milliers de personnes, dont la plupart dans la capitale où le slogan « l’Argentine ne se vend pas » a résonné devant le palais du Congrès. Ce mot d’ordre a été largement repris dans les discours et les chants des manifestants intimant aux élus de voter contre « la loi tronçonneuse ».
La présence des « Madres de Plaza de Mayo » (mères des victimes de disparition forcée pendant la dictature militaire), symbole de résistance, a contribué à doter la manifestation d’une forte charge symbolique, rappelant au passage le négationnisme du gouvernement Milei vis-à-vis des crimes contre les droits humains commis dans les années précédentes et pendant la dictature civile-militaire (1976-1983), dans le cadre de la répression des dissidents sociaux et politiques d’alors.
La déstabilisation du gouvernement galvanise l’opposition
Le gouvernement, pris de court par l’ampleur de la manifestation et ayant misé sur l’échec de la grève (en multipliant les pressions pour décourager sa réussite), s’en trouve fragilisé, tandis que l’opposition bénéficiait d’un élan inattendu quelques jours auparavant.
En effet, à la suite des manifestations, plusieurs juges ont entamé un processus de démantèlement des lois, en soulignant leur caractère inconstitutionnel, notamment pour les chapitres concernant les attaques aux droits du travail. Les factions de l’opposition au Parlement ont durci leur position, y compris les groupes « dialoguistes » de droite, et contraint le gouvernement à des improvisations. Il a dû dans un premier temps reporter le vote de la loi, puis a été forcé de retirer entièrement son chapitre fiscal (qui envisageait, entre autres, de supprimer plus de 40 entreprises dont celles finançant le système des retraites), afin de s’assurer que la loi passe. Cependant, toutes les prérogatives exceptionnelles demandées par le pouvoir exécutif ont été maintenues, des facultés qui lui permettent de réintroduire les mêmes mesures dans le futur, sans passer par un nouveau vote.
Une résistance qui ouvre la voie à une victoire
Bien que la journée ait démontré la capacité de la gauche sociale et politique à s’opposer efficacement aux contre-réformes néolibérales et antidémocratiques du gouvernement, elles ne représentent qu’un premier pas.
Celui-ci pourrait s’avérer décisif, à condition que le mouvement ne s’arrête pas là. Il est impératif que la mobilisation continue, qu’elle s’intensifie et se structure autour de cadres d’organisation solides pour maintenir la pression.
L’objectif est clair : le retrait complet des lois contestées et le renversement d’un gouvernement antipopulaire. Jusqu’à la victoire !