Les principales villes du pays étaient désertes jeudi 10 avril. C’était certainement la journée de grève la plus suivie depuis 2001 et la chute du gouvernement De la Rúa.
À l’appel des trois centrales syndicales se situant dans l’opposition au gouvernement (les 2 CGT et la CTA oppositionnelles), la grève a entraîné l’arrêt total des transports, de nombre de services et d’une partie de l’industrie, contre le plan d’austérité du gouvernement et ses concessions au grand capital et à l’impérialisme. Mais les directions syndicales à l’origine de cet appel voulaient une grève contrôlée et passive. C’est là que le rôle de l’extrême gauche et du syndicalisme combatif a été essentiel. Dans plusieurs coins du pays, une quarantaine de piquets de grève ont été mis en place contre l’avis des dirigeants syndicaux qui n’ont pas hésité à s’en démarquer, de même que des secteurs de l’opposition bourgeoise qui dénonçaient le fait que « la grève ait été gravement entachée par les piquets ». Ces piquets ont bloqué l’accès à toutes les grandes villes telles que Buenos Aires, Cordoba, Rosario et Mendoza et même des routes internationales.
Convergence des secteurs combatifsSur l’autoroute « Panaméricaine », qui traverse toute la banlieue nord de la capitale et longe la plus grande concentration industrielle du pays, un bon millier d’ouvriers et de militants d’extrême gauche ont réussi à installer le piquet dès l’aube, et cela malgré le fort dispositif policier préparé pour les empêcher à coups de jets d’eau et de tirs de flashball. Pendant plus d’une semaine, dans de nombreuses usines de la zone, et à l’image de ce qui s’est passé dans d’autres régions, des militants d’extrême gauche ont été le plus souvent à l’origine des assemblés générales et des réunions de coordination qui ont préparé le 10 avril. C’est ainsi que même là où le syndicat n’appelait pas à la grève, l’adhésion a pu être massive, avec l’arrêt total de grosses usines de l’agro-alimentaire (Kraft Foods et PepsiCo), de l’automobile (Ford, Volkswagen, Lear), des pneus (Fate), de l’industrie graphique (Donneley et Printpack)... Certaines sections syndicales enseignantes, qui sortaient tout juste d’une grève nationale de 17 jours qui a arraché des concessions au gouvernement, ont elles aussi adhéré à la grève.
Le rôle de la gauche révolutionnaireLa répression a contribué à une forte médiatisation de la participation de l’extrême gauche, qui par son implantation dans un nombre important d’entreprises et syndicats de boîte a joué un rôle majeur dans le succès de la grève et des piquets, dans lesquels ont été présents également les députés du FIT (Frente de izquierda y de los trabajadores). Ce rôle est décisif pour concrétiser la perspective d’une suite en mai, avec cette fois-ci une grève de 36 heures avec manifestation nationale. En tout cas, il est clair que les bons scores du FIT en octobre dernier sont loin d’être un phénomène purement électoral. Une recomposition lente mais durable du mouvement ouvrier argentin est en cours et la gauche révolutionnaire y participe fortement.
Daniela Cobet, Marcelo N. et Virginia de la Siega