Le gouvernement Kirchner a été obligé de renationaliser partiellement la multinationale pétrolière.C’est le 3 mai que le projet d’expropriation de 51 % des actions d’Yacimientos Petroliferos Fiscales (Gisements pétroliers d’État, YPF) doit être inscrit dans une loi. YPF, l’ancienne société d’État pétrolière et gazière, avait été vendue dans les années 1990 à la multinationale espagnole Repsol. Le projet de loi a d’ores et déjà été adopté par une très large majorité des sénateurs argentins. À la Chambre des députés comme au Sénat, seule une petite minorité de néolibéraux, membres de l’opposition de droite ou du secteur péroniste lié à l’ancien président qui a beaucoup privatisé, Menem, devrait s’y opposer.
Le gouvernement argentin en est venu à prendre une telle mesure, dénoncée comme « extrémiste » par toute la presse néolibérale internationale, après que pendant plus de dix ans Repsol a exploité les puits et vidé les réserves du pays sans aucun nouvel investissement, se contentant de rapatrier d’énormes bénéfices qui étaient ensuite réinvestis aux États-Unis, au Brésil, au Mexique, dans la Caraïbe ou en Afrique. Selon la multinationale, un tel choix lui était imposé par la politique d’encadrement des prix de distribution imposé par les gouvernements Kirchner.
Avant la privatisation d’YPF, l’Argentine était devenue autosuffisante au plan pétrolier et disposait de réserves pour vingt années. Repsol prétendait avoir transformé l’Argentine en un pays exportateur de pétrole, mais la réalité est qu’elle n’exportait que ses réserves. Repsol préférait vider les puits existants plutôt que de consentir à investir dans l’exploration et l’exploitation de nouveaux gisements. Dans les années 1980, il y avait dans tout le pays 1 026 puits en exploitation ; entre 1990 et 2000, 989 puits ; et de 2000 à 2010, une fois YPF privatisée, seulement 484. Depuis 2009, l’Argentine ne dispose plus de réserves d’hydrocarbures que pour sept ans et huit mois, et elle est redevenue importatrice de pétrole et de gaz.
Mais si cette mesure est progressiste et nécessaire, elle n’en reste pas moins insuffisante. Outre que l’expropriation n’est que partielle, et devrait donner lieu à une indemnisation (dont on ne connaît pas, pour l’instant, le montant), Repsol/YPF n’assure qu’un tiers de la production nationale d’hydrocarbures : 33 % de l’extraction de pétrole, 25 % de celle de gaz et 50 % des activités de raffinage. Le reste est entre les mains de Total (France), Pétrobras (Brésil), Esso/Exxon Mobil (États-Unis), Shell (Pays-Bas/Royaume-Uni) et Repsol elle-même, qui bénéficient de différents types de concessions. De plus, ces multinationales devraient être présentes au conseil d’administration de la nouvelle société d’économie mixte YPF.
Pour les courants anticapitalistes et anti-impérialistes argentins, l’expropriation partielle de Repsol/YPF, à laquelle le gouvernement de Cristina Fernandez-Kirchner a été forcé de procéder, doit servir de tremplin à une bataille globale pour la récupération des hydrocarbures et plus généralement des ressources naturelles du pays, afin de les soustraire à l’avidité des multinationales et de les placer au service des intérêts sociaux et écologiques de la population.
Virginia de la Siega