Dans la foulée des révolutions tunisienne et égyptienne, les populations de la péninsule arabique se révoltent contre leurs gouvernements, subissant parfois une féroce répression. Après l’Afrique du Nord, des parties de la péninsule arabique sont entrées en ébullition politique et sociale à leur tour, depuis plusieurs semaines. Ces derniers jours ont cependant constitué un tournant important sur plusieurs points. Un premier changement résulte du renforcement important de la répression, conduisant jusqu’à l’étouffement provisoire de la Constitution, dans l’État insulaire monarchique du Bahreïn.
Ce pays du Golfe, le premier à voir ses ressources pétrolières s’épuiser et donc ses recettes décliner, avait commencé à entrer en mouvement à la mi-février, les contestataires étant encouragés par l’exemple égyptien.
Or, trois semaines après, les troupes du Conseil de coopération du Golfe (CCG) – donc celles des monarchies pétrolières plus riches, et en premier lieu de l’Arabie saoudite qui vient de réprimer des manifestations sur son propre territoire – ont franchi le pont séparant Bahreïn du grand pays voisin. Selon les chiffres, de 1 000 à 3 500 soldats saoudiens seraient entrés dans le pays. Si ces soldats n’interviennent pas directement (pour l’instant ?) dans la répression des manifestants, leur présence a en revanche libéré des forces de l’ordre de la monarchie locale, en prenant en charge la protection des bâtiments publics par exemple. Aussi l’entrée des troupes du CCG signifie-t-elle un soutien symbolique très fort des monarchies voisines au roi du Bahreïn, leur « grand frère » commun – les USA – se taisant sur ce fait, en dehors de quelques critiques de méthode sur une répression qui va trop loin en fermant « toutes les portes du dialogue ». En effet, le « dialogue », d’abord préconisé par le régime bahreïnien, est définitivement révolu. Une vingtaine de manifestants ont été tués. La désormais célèbre place de la Perle, dans la capitale Manama, a été évacuée – il est même question maintenant de détruire son monument afin de ne laisser aucun symbole de la contestation –, l’état d’urgence a été décrété. Sept leaders de l’opposition ont été arrêtés. Celle-ci est parfois trop vite décrite comme étant simplement « chiite ». Il est vrai que 70 % de la population, dont la part la plus pauvre et déshéritée, sont chiites. Cependant, la gamme politique de l’opposition est large, englobant des habitants de confession chiite mais partisans d’une démocratie – ou d’une monarchie constitutionnelle –, d’une république islamique ou encore des sunnites progressistes. Alors que l’Iran voisin ne s’était pas ouvertement manifesté jusqu’ici, l’intervention ouverte de son rival saoudien et du CCG lui a donné l’occasion d’en faire une affaire régionale et de concurrence entre puissances. Ceci risque de prendre la contestation encore plus en étau. Il est important de préciser que la Garde royale du Bahreïn avait été formée... par la France. Plus encourageant sont les signes qui viennent du Yémen, mais aussi depuis les tout derniers jours de la Syrie où des manifestations ont lieu dans de nombreuses villes – notamment du Sud – depuis le week-end. Néanmoins il faudra s’attendre à une répression très forte de la part du pouvoir baathiste. Au Yémen, en revanche, la répression semble avoir perdu de son effet intimidant sur les opposants qui réclament le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 1979. Après que 52 personnes ont été tuées vendredi dernier, les défections au sein même du régime – englobant plusieurs officiers supérieurs de l’armée et des ambassadeurs yéménites, dont celui à Paris – sont désormais légion. Une partie des élites du pays est maintenant convaincue de l’échec du régime Saleh. Bertold du Ryon