Le dernier attentat à Ouagadougou, le troisième depuis deux ans, nous rappelle que le Burkina Faso est confronté à une vague d’assauts meurtriers depuis que la révolution de 2014 a chassé Blaise Compaoré. Près de 115 attaques ont été dénombrées dans le pays, faisant plus d’une centaine de morts.
L’attentat du 2 mars 2018, qui visait l’ambassade de France et surtout l’état-major de l’armée du Burkina, qui a entraîné la mort de huit personnes et fait plus de 80 blessés, a de nouveau relancé les suspicions sur les possibles liens entre le clan de l’ancien pouvoir et les djihadistes.
Refuge pour les djihadistes
À l’époque de Blaise Compaoré, Ouagadougou était la ville où les principaux dirigeants djihadistes trouvaient refuge. Ils habitaient dans les villas luxueuses de Ouaga 2000, le quartier chic de la ville, comme dans le cas d’Iyad Ag Ghali qui a revendiqué le dernier attentat au nom du « Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans ». Ces groupes faisaient aussi prospérer leurs affaires, et leurs intérêts économiques s’entrecroisaient, voire se confondaient avec ceux des personnalités les plus en vue.
La nature même du régime de Compaoré explique cette situation. En effet, arrivé au pouvoir après l’assassinat de Thomas Sankara, Compaoré a toujours joué dans les eaux sombres des coups tordus de la Françafrique. Il s’est trouvé impliqué dans le trafic d’armes et de diamants au profit de Charles Taylor, qui purge une peine de prison pour crimes contre l’humanité commis lors des guerres au Liberia et en Sierra Leone. Il a soutenu la rébellion armée dirigée par Alassane Ouattara contre Gbagbo en Côte d’Ivoire. Enfin il jouait les entremetteurs, par le biais d’un de ses fidèles, le général Diendéré, entre les groupes djihadistes et le gouvernement français, notamment pour la libération des otages.
Ce n’est évidemment pas pour des raisons humanitaires que Compaoré a été exfiltré du Burkina par l’armée française censée s’occuper uniquement des terroristes. D’autant que son vieux complice Ouattara, en lui octroyant la nationalité ivoirienne, lui permet d’échapper à la justice de son pays et ainsi éviter de répondre aux accusations de meurtre et de corruption.
Vague d’attaques terroristes
Six mois après la chute de Compaoré, un ressortissant roumain, Iulian Ghergut, était enlevé par les groupes islamistes, premier acte d’une longue série d’attaques perpétrées essentiellement dans la partie sahélienne au nord du pays mais qui, depuis deux ans, frappent aussi la capitale.
L’attentat à Ouagadougou s’est produit seulement trois jours après l’ouverture du procès contre les auteurs d’une tentative de coup d’État. Et parmi les accusés figure Diendéré, l’homme des basses besognes de Compaoré. Suite à l’attentat, trois militaires, dont deux encore en activité, ont été interpellés. Quant au modus operandi de cet attentat, il conforte l’idée que les djihadistes ont bénéficié de complicités parmi l’armée, rappelant le risque possible d’une alliance entre djihadistes et anciens militaires putschistes, notamment ceux du RSP (régiment de sécurité présidentielle) qui a été dissous.
L’attaque meurtrière à Ouagadougou illustre aussi l’échec de l’intervention de l’armée française au Sahel. Ainsi au Mali la situation se détériore chaque jour un peu plus, et pas seulement dans le nord.
L’incapacité des États de cette région à régler les différends entre les communautés et à répondre aux besoins sociaux les plus élémentaires des populations permet aux organisations islamistes armées de se construire une base sociale et de prospérer. La réponse d’ordre purement militaire, surtout dirigée par la France, reste illusoire et contreproductive.
Paul Martial