Le Burkina Faso s’enfonce dans une crise politique, humanitaire et sécuritaire. Les attaques djihadistes mettent en lumière les faiblesses d’un État gangréné par la corruption et l’incurie. Les mesures mises en place par le gouvernement ne font qu’aggraver la situation au détriment des populations.
Mercredi 8 décembre, le Premier ministre Christophe Joseph-Marie Dabiré a rendu son tablier, entraînant avec lui la démission de l’ensemble du gouvernement. Une manière pour Roch Kaboré, le président du Burkina Faso, de répondre à l’exaspération de la population.
Avancée des djihadistes
L’attaque qui a eu lieu contre la caserne d’Inata a été une véritable onde de choc à travers le pays. Elle a coûté la vie à 53 gendarmes. Les informations parvenues et largement reprises par les médias font état d’une caserne, située dans une des zones les plus dangereuses du pays, abandonnée du fait de l’indisponibilité d’un hélicoptère pour le ravitaillement. Ce tragique événement est révélateur de la désorganisation des Forces de défense et de sécurité (FDS) du Burkina. Désormais, toutes les semaines, radios et journaux égrènent le nombre de victimes des commandos djihadistes.
Les premières attaques djihadistes datent de 2015. Elles étaient le fait d’Ansarul Islam qui a cédé la place aux deux principaux groupes qui sévissent dans tout le Sahel, le GSIM affilié à Al-Qaïda et EIGS lié à l’État Islamique. Ces groupes gagnent du terrain face à une armée burkinabé sous-équipée et peu efficiente.
Les conséquences en termes humanitaires sont dramatiques. D’après les chiffres des Nations unies, plus d’un million de personnes ont été déplacées, fuyant les violences, et 3,5 millions ont besoin d’une assistance humanitaire.
Une société en crise
Les groupes djihadistes tentent de s’infiltrer dans les conflits entre les différentes communautés aux activités économiques autrefois complémentaires grâce à des processus de régulation et de médiation reconnus par touTEs. Depuis plusieurs années, notamment dans la région de Soum, les conflits entre, d’une part, les Mossi et Kurumba, majoritairement agriculteurs et, d’autre part, les Peuls, essentiellement bergers, portent sur les ressources en eau et les lieux de pâturage. À cela s’ajoutent les actes de banditisme, notamment le vol de bétail. La circulation des armes de guerre augmente le nombre de victimes lors des échauffourées. Les djihadistes prospèrent sur ces conflits latents où pauvreté et désœuvrement sont le lot d’une grande partie de la jeunesse.
Comme au Mali et au Niger, pays voisins du Burkina Faso, la communauté peule est considérée à tort comme acquise aux forces intégristes. Elle est victime de nombreuses violations des droits humains perpétrées par les FDS et les différentes milices communautaires d’autodéfense. Des violences encouragées par la totale impunité qui règne dans le pays.
Le Burkina Faso, un des pays les plus pauvres de la planète, a triplé son budget militaire. Cependant les effets ne sont guère palpables sur le terrain. Ce sont les conséquences d’une corruption généralisée et d’une division au sein de l’armée datant des mutineries de 2011.
Un remède pire que le mal
En janvier 2020, deux mois après la tuerie contre des travailleurs de la compagnie canadienne SEMAFO, qui avait fait 38 morts et une soixantaine de blessés, Christian Kaboré a lancé la mise en place des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Il s’agissait de mettre sur pied des supplétifs à l’armée burkinabé. Le rôle des VDP est double : être une source d’informations et de renseignements pour les militaires et défendre les villages en attendant le renfort des FDS. Ces volontaires bénéficient d’une formation succincte de deux semaines et d’une kalachnikov.
Cette mesure suscite des inquiétudes. D’abord ces VDP sont l’apanage des Mossi et Kurumba, puisque les Peuls volontaires sont la plupart du temps refusés car soupçonnés d’être en intelligence avec l’ennemi. Ensuite, armer les civils participe au risque d’augmenter les conflits intercommunautaires. Enfin, ces VDP sont désormais devenus la cible de choix des djihadistes, entrainant un accroissement des victimes civiles lors des attaques de villages.
La crise au Sahel est d’abord une crise politique et sociale. Les dirigeants africains et occidentaux ont choisi d’y répondre par la force, non pas par stupidité, mais pour préserver la stabilité des systèmes postcoloniaux aux dépens des populations. C’est ainsi que des millions d’euros sont engloutis dans la guerre au lieu d’être investis dans les écoles, les centres de santé, et les autres secteurs du service public.