À deux reprises, en à peine une semaine, Chypre s’est réveillée sous le choc de deux Nuits de Cristal.
D’abord à Chloraka (région de Pafos), le 28 août, une meute de 300 fascistes a attaqué, avec battes de baseball, couteaux et cocktail Molotov, les logements et les magasins de réfugiéEs et migrantEs. Quelques jours plus tard, le 1er septembre, c’était le tour des migrantEs à Limassol de se trouver attaquéEs par des fascistes cagoulés et en noir.
Europe forteresse
Depuis plusieurs années, le gouvernement chypriote accompagné par les grands médias — presse écrite, radio, télévision — met en œuvre avec zèle les directives de l’Union européennes en matière d’immigration. La politique pour une Europe forteresse se traduit par un déni du droit d’asile ou tout autre droit humain pour les migrantEs et réfugiéEs. Les migrantEs qui arrivent se trouvent dans des camps de concentration comme à Pournara à Chypre ou à Lesbos en Grèce.
Les bateaux de misère qui s’approchent de Chypre ou de la Grèce sont souvent victimes de « push back » visant à empêcher les migrantEs de débarquer. Avec une démultiplication des noyades en Méditerranée, les résultats sont dramatiques, le plus tragique étant le bateau qui a coulé à Pylos, dans le Péloponnèse, en juin, après avoir été repoussé pendant des heures par les gardes maritimes grecs. Ainsi, sous les yeux aussi des soldats de Frontex plus de 600 personnes ont trouvé la mort pendant leur périple désespéré pour une vie meilleure.
Montée de l’extrême droite
La chasse à l’homme et les pogroms contre les étrangerEs à Chypre sont le fruit direct de ces politiques. Orchestrées par le parti néonazi ELAM, ces attaques se sont appuyées sur le racisme d’État et sur un racisme ordinaire très répandu dans la société chypriote-grecque. Dans une telle ambiance, ELAM (Front populaire national, frère du parti néonazi Aube dorée en Grèce) poursuit sa croissance et sème haine et violence. Il a des députés et la présidence de la commission Immigration au parlement chypriote-grec. En Grèce, Aube dorée a été condamnée et interdite après les mobilisations et le procès qui ont suivi l’assassinat de Pétros Fyssas. Malheureusement, lors des dernières élections, les fascistes sont revenus au Parlement grec sous le nom des Spartiates.
Chypre, qui a vécu en juillet 1974 un coup d’État fasciste mené par les colonels grecs et l’organisation EOKA B, avec l’assassinat de militants de gauche et de chypriotes turcs et l’invasion de l’armée turque, nourrit aujourd’hui, un parti néonazi particulièrement violent. Chypre, avec des dizaines de milliers de réfugiéEs depuis 1974 et des dizaines de milliers de Chypriotes émigréEs dans le monde, fait la chasse aux migrantEs et réfugiéEs.
Trois manifestations contre le racisme et le fascisme
Ce vécu commun pour beaucoup de monde a réveillé des consciences. Pour la première fois, il y a eu à Chypre et notamment à Limassol, les 2 et 4 septembre, des manifestations massives contre les attaques racistes et fascistes. La première a été organisée par des groupes à gauche de AKEL (Parti communiste) et la seconde par AKEL avec le soutien de PEO (syndicat de gauche). Une troisième manifestation, avec le mot d’ordre No Pasaran, a lieu à Nicosie (la capitale), le dimanche 10 septembre 2023.
Les organisations et les militantEs se demandent comment organiser un large front uni pour faire face à la menace raciste et fasciste. L’objectif étant triple — lutter contre le racisme d’État, batailler contre le racisme ordinaire et battre ELAM, et autres groupes néonazis, dans la rue et dans les urnes. Face à l’Europe forteresse et la montée des extrêmes droites, partout en Europe, ce devoir est aussi le nôtre pour que nous puissions, vraiment, dire No Pasaran !