Sous la pression des occupations de places, le Parlement a voté pour la destitution de la présidente Park Geun-hye.
Le 9 décembre, le Parlement a décidé d’une procédure de destitution (« impeachment ») de la présidente par 234 voix contre 56. Il revient à la Cour constitutionnelle de valider ou pas cette décision. Jusqu’à la dernière minute, Park Geun-hye a refusé de démissionner et a tenté d’éviter l’enclenchement de cette procédure, malgré l’ampleur des scandales qui la touchent. La présidente a immédiatement perdu certains de ses pouvoirs, dont celui de chef des armées, qui sont confiés au Premier ministre Hwang Kyo-ahn.
L’impétueuse mobilisation
Si le Parlement, largement dominé par les conservateurs, a voté ainsi, c’est qu’il n’avait plus vraiment le choix. Selon les sondages, la population était favorable à 81 % à la destitution (et à 60 % à sa démission immédiate). Depuis des semaines, les mobilisations de rue et occupations de place ne cessaient de croître, jusqu’à atteindre quelque 2,3 millions le 3 décembre, selon l’évaluation des organisateurs.
Le 10 décembre, un million de personnes ont manifesté dans une atmosphère de festival, dont 800 000 réunies à Séoul, place Gwanghwamoon, avant de marcher en direction de la Maison Bleue (le palais présidentiel), exigeant toujours la démission immédiate et l’arrestation de Park Geun-hye. L’impeachment ne doit être qu’un début. Il faut saisir l’occasion d’éliminer un système politique intrinsèquement corrompu.
Le scandale a commencé par la mise en lumière des rapports entre la présidente et son amie intime, Choi Soon-sil, censée posséder des pouvoirs chamaniques. Bien qu’occulte, le rôle politique de cette dernière s’est révélé considérable – et inconstitutionnel. Puis un véritable système de corruption a été dévoilé. Park usait de son poste présidentiel pour abuser des finances publiques et « convaincre » de grandes entreprises de doter généreusement les fondations contrôlées par Choi qui servaient à blanchir l’argent. La fille de Choi – Jung Yura – a directement bénéficié de ce trafic d’influence. Enfin, la nature même du régime est apparue clairement en cause.
Les liens incestueux du système coréen
Après la guerre de Corée (1950-1953) et la partition du pays, les États-Unis ont favorisé la consolidation d’un régime anticommuniste, militaire et dictatorial, au sud, dont l’un des présidents-dictateurs, Park Chung-hee, s’avère être le père de Park Geun-hye... Pour des raisons stratégiques, ils ont permis le développement d’un capital coréen piloté par l’État avec la formation de grands conglomérats familiaux, les chaebol. La démocratisation politique du pays n’est intervenue, sous la pression des luttes civiques et sociales, qu’au cours des années 1980. Puis le dirigisme d’État a été abandonné au profit de l’idéologie néolibérale.
Les liens incestueux entre État, politiciens conservateurs et chaebol n’ont pas disparu pour autant. C’est dans ce cadre que Park et Choi ont pu opérer. Au point que le Parlement a auditionné les principaux chefs d’entreprise du pays, faisant figure d’accusés : Samsung, Hyundai, SK, Lotte, Posco, Hanwha…
Avec le « mouvement des chandelles », les luttes civiques ont gagné une ampleur sans précédent en Corée du Sud. Cependant, la répression a durement frappé la gauche politique et le mouvement social, à commencer par les syndicats de la KCTU. La lutte continuera, mais le pouvoir va tout faire pour que la crise politique ne se transforme en une incontrôlable crise de régime.