Publié le Vendredi 13 juin 2025 à 08h30.

Corée du Sud, le pire est écarté

La victoire du candidat de centre gauche Lee Jae-myung à l’élection présidentielle anticipée du 3 juin dernier permet à la Corée du Sud de tourner la page d’une crise politique et économique critique ouverte six mois plus tôt par la tentative de coup d’État de son prédécesseur, Yoon Suk-yeol.

 

Sous les couleurs du Parti démocrate (PD), Lee Jae-myung a engrangé 49,4 % des suffrages, soit près de 10 points de plus que le nouveau candidat conservateur Kim Moon-soo (41,5 %) du mal nommé Parti populaire du peuple (PPP). 

Le taux de participation à ce scrutin à un tour (79,4 %) souligne l’importance des enjeux : c’est le plus élevé depuis 28 ans. Il faut dire que Yoon Suk-yeol, en imposant illégalement la loi martiale, avait ouvert la pire crise politique que le pays ait connue depuis la fin de la dictature en 1987.

Lee, le nouveau président, face aux enjeux démocratiques

Durant la campagne électorale, Lee s’est prévalu de ses origines sociales modestes (adolescent, il a travaillé en usine) puis de son engagement en tant qu’avocat des droits humains. En 2018, il est devenu gouverneur de la province de Gyeonggi, la plus peuplée de Corée du Sud. Les ultraconservateurs chrétiens, liés à Donald Trump, dénoncent en lui un espion à la solde de la Corée du Nord et de la Chine. Avec 7,7 % des voix, le New Reform Party (extrême droite populiste) reste électoralement marginal, mais, du fait de son antiféminisme, il est en phase avec une tranche significative des jeunes hommes de 20 à 30 ans. De tous les candidats, Lee est le seul à avoir abordé les questions de genre.

Lee peut compter sur le soutien de ­l’Assemblée nationale. En Corée du Sud, la « qualité » de la démocratie s’est nettement dégradée. L’un des premiers enjeux de la période à venir concerne les réformes démocratiques qu’il s’engage à assurer. Elles concerneraient notamment la loi martiale, ainsi que la séparation des pouvoirs des procureurs (qui peuvent à la fois inculper et enquêter). Il voudrait aussi modifier l’élection présidentielle, actuellement un mandat unique de cinq ans, en donnant la possibilité de se présenter pour deux mandats de quatre ans, ce qui fait débat.

Défis économiques, sociaux et géopolitiques

Deuxième enjeu majeur : l’économique et le social, dans ce pays grand producteur de semi-conducteurs, une industrie menacée par les taxes douanières de 25 % que Trump imposerait, et où la jeunesse peine à trouver les emplois auxquels elle aspire.

Troisième enjeu, la crise géopolitique qui mine une péninsule où toutes les grandes puissances sont au contact : la Chine, la Russie, le Japon et les États-Unis ont dans cette région leurs plus grandes bases militaires à l’international. S’il y a un lieu où une crise nucléaire peut dégénérer, c’est bien ici. 

La tension était maximum sous la présidence de Yoon Suk-yeol, très agressive envers la Corée du Nord, alors que le dernier rejeton de la dictature dynastique héréditaire des Kim poursuit son programme d’armement, avec quelques déboires cependant — son dernier destroyer a coulé lors de sa mise à l’eau ! L’élection de Lee Jae-myung devrait faire baisser d’un cran la tension.

Pierre Rousset