Publié le Jeudi 24 juin 2021 à 12h00.

Droit d’asile : la fin d’un principe ?

Jeudi 2 juin, le Parlement danois adoptait, par 70 voix contre 24, un projet de loi permettant au pays de « sous-traiter » ses demandes d’asile : le gouvernement danois peut désormais envoyer les personnes ayant déposé un dossier de demande d’asile au Danemark dans un autre pays, en dehors de l’Union européenne, le temps de l’examen de son dossier.

 

Le droit d’asile a des origines très anciennes. Il a progressivement été introduit dans des législations nationales et internationales. Certes, il y a toujours eu une part d’arbitraire dans son application : les réfugiéEs de l’empire russe après 1917 en ont largement bénéficié ; par contre, les juifs allemands persécutés par les nazis ont vu dans les années 1930 leurs demandes d’asile en France et dans d’autres pays massivement rejetées.

Un droit consacré

Le droit à l’asile a été solennellement proclamé après la Seconde Guerre mondiale. Ainsi en 1946, l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. » La Convention de Genève de 1951 a donné à cette protection une traduction en droit international public. L’arbitraire n’a cependant pas totalement cessé dans l’acceptation des demandes et s’est renforcé à partir des années 1960. La plupart des pays occidentaux qui avaient assez libéralement accueilli notamment les réfugiéEs des pays de l’Est au cours de la guerre froide commencent alors à prendre des dispositions qui accroissent le taux de rejet des demandes.

Cette politique restrictive s’est poursuivie au point de vider largement le droit d’asile de son effectivité. Néanmoins, le principe subsistait : le demandeur d’asile a droit à un examen individuel de sa demande pour peu qu’il arrive sur un territoire « sûr », ce que les États s’acharnent de plus en plus à empêcher (cf. les accords de l’Union européenne avec la Turquie sur les réfugiéEs syriens).

Un pas supplémentaire vers la barbarie

Un seul pays occidental avait jusqu’à présent ouvertement rompu avec ce principe : l’Australie, où le traitement des réfugiéEs et des demandeurEs d’asile est une tâche confiée, avec des incitations financières, à des pays tiers (la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Nauru dans le Pacifique). Mais le Parlement danois a adopté le 3 juin un projet de loi prévoyant de renvoyer vers un pays tiers les demandeurEs d’asile. Le Danemark a déjà conclu un protocole d’accord avec le gouvernement rwandais, qui couvre la migration, l’asile, le retour et le rapatriement. Il s’agit en fait de dissuader toute demande d’asile : quel étrangerE demandeurE d’asile se présentera au Danemark sachant qu’il sera renvoyé au Rwanda ou dans un autre pays (Tunisie, Égypte, Erythrée sont évoqués) ? Le gouvernement de Mette Frederiksen a un objectif affirmé : « Zéro réfugié ». Et elle appartient au parti social-démocrate !

Ce n’est pas la première manifestation d’hostilité aux réfugiéEs du gouvernement « de gauche » danois mais c’est la plus significative. La mise en œuvre d’une telle politique dans d’autres pays marquerait la fin d’un principe, certes ébréché, mais qui peut encore constituer un recours. Un pas supplémentaire vers la barbarie.