Publié le Lundi 22 juillet 2024 à 13h00.

Éléments de stratégie pour notre mobilisation pour la Palestine

La guerre à Gaza dure depuis 10 mois. Une guerre génocidaire dont les enjeux sont multiples. Notre responsabilité est importante dans la trajectoire de la résistance internationale.

Si l’on parle de génocide, ce n’est pas pour des raisons polémiques, mais en raison des caractéristiques concrètes de cette guerre. Celle-ci est totalement asymétrique, notamment pour ce qui concerne l’armement à disposition des forces en présence. Mais c’est surtout le rapport à la mort qui est décisif. Environ 40 000 mort·es ont été compté·es parmi les Gazaoui·es, ce qui signifie que le nombre réel est probablement au moins triple, d’après divers spécialistes de ce type de conflit. Une étude a récemment conclu que 185 000 mort·es sont déjà effectives ou programmées, soit 8 % de la population de Gaza. À comparer avec le chiffre de 650 à 700 soldats israéliens tués (dont 17 % par leur propre armée1…). De plus, 1,9 million de personnes ont été déplacé·es.

Le caractère génocidaire est aussi lié à la volonté d’éradiquer la population palestinienne de Gaza : en 4 mois, autant d’enfants avaient été tués qu’en 4 ans dans le monde entier ; la mortalité des enfants et des femmes correspond à la perspective d’empêcher la population de se reproduire, à l’enjeu démographique toujours présent dans le contexte d’une colonisation de peuplement. Tandis que la destruction de Gaza rend impossible d’y habiter de nouveau, Israël cherche donc à empêcher tout repeuplement de Gaza par des Palestinien·nes et pousse déjà des colons à s’y installer. Cette politique s’inscrit dans l’objectif du Grand Israël promu par l’extrême droite sioniste, qui veut expulser tou·tes les Palestinien·nes du territoire. Cette offensive se combine avec les attaques au Liban et l’exigence israélienne de la démilitarisation d’une zone de 10 km au Liban à la frontière avec Israël. Le Grand Israël et les politiques anti-palestiniennes s’inscrivent plus largement dans la volonté étatsunienne de contrôler la région, dans le cadre de la réorganisation du monde.

 

La main de l’impérialisme

Michel Warschawski présente le rapport entre les États-Unis et Israël avec la métaphore d’un chien avec sa queue, où la queue fait bouger le chien. Cela permet de lier deux dimensions. La première est qu’Israël n’est qu’un appendice des États-Unis, et dépend totalement de son financement : depuis 1948, ce sont 318 milliards de dollars qui ont été transférés, dont 158 milliards d’aide militaire, et 3,8 en 2023. Tandis que l’Allemagne a vendu pour 326 millions d’euros d’armes à Israël en 2023 et la France 208 millions depuis 2013. Les États-Unis ont réussi à contrôler les pays arabes de la région par le biais de régimes dictatoriaux, notamment à la suite de la répression des révolutions arabes, et imposé une « normalisation » de leurs relations avec Israël, c’est-à-dire un alignement sur l’impérialisme et son outil. Cet alignement a eu pour corollaire le renoncement de la France à une politique impérialiste alternative à celle des États-Unis dans la région.

Mais, et c’est le deuxième élément de la métaphore, cette domination des États-Unis sur Israël n’enlève pas une certaine autonomie de l’État sioniste et sa capacité à forcer les impérialistes à des mouvements. Ceux-ci n’ont en effet pas d’autre choix que de suivre les orientations du pouvoir d’extrême droite, y compris dans ce qu’ils considèrent comme excessif pour leurs intérêts, car ceux-ci sont en retour dépendants de leur seul outil fiable dans la région.

 

Le potentiel politique des mobilisations

Nous faisons donc face à un ennemi gigantesque, puisque nous ne nous battons pas en réalité contre Netanyahou et Israël, mais contre le bras armé incontrôlable des États-Unis. Cependant, nous avons de réels points d’appui dans cette bataille.

Le premier, souvent sous-estimé en raison de l’asymétrie du combat, est la résistance sur place. Ainsi, depuis le début de l’intervention, plusieurs centaines de chars israéliens auraient été détruits, si l’on recoupe diverses informations. Cette résistance militaire permet de ralentir l’avancée guerrière d’Israël et entraîne des coûts exorbitants. La question des otages est complexe : nous sommes dans l’absolu contre les prises d’otages mais, dans le contexte, il faut comprendre que les centaines d’otages israélien·nes pris par les Palestinien·nes ne posent pas plus de problèmes politiques que les milliers de prisonnier·es enfermé·es par Israël, et que les otages ont servi de monnaie d’échange pour obtenir des cessez-le-feu ou la libération de Palestinien·nes.

Le second, ce sont les mobilisations qui ont lieu dans les pays arabes. Malgré la répression, des manifestations y ont, en particulier en Jordanie, pays dont la population est en grande partie d’origine palestinienne. Amnesty International déclarait le 11 avril 2024 que « depuis le 7 octobre 2023, les autorités jordaniennes ont arrêté au moins 1 500 personnes, et environ 500 d’entre elles sont détenues depuis le mois de mars ». Dans les pays arabes et en Afrique du Nord, les actions de solidarité sont interdites, ce qui montre en miroir leur potentiel de déstabilisation, la possibilité pour les populations de renouer avec les révolutions arabes ou le hirak algérien.

Enfin, dans les pays impérialistes, nous avons assisté au plus grand mouvement de solidarité internationale depuis la guerre du Vietnam, même s’il connaît actuellement un reflux. Aux États-Unis, le pouvoir de Biden a été mis en grande difficulté, et le maintien de son orientation de soutien à Israël va certainement être un facteur décisif de sa défaite. Et pourtant, il n’y a pas d’intervention directe d’un pays occidental, avec l’envoi de troupes et l’émoi provoqué par le retour des soldats blessés et des corps des morts. Le mouvement étudiant mondial a permis, au printemps, de donner un second souffle à la lutte. Globalement, on assiste à une politisation importante sur ce sujet, dans le monde entier, comme on n’en avait pas vu depuis des années.

En particulier, cette mobilisation a constitué un événement politique remarquable dans l’alliance des classes populaires : dans la plupart des pays, les personnes racisées, en particulier les jeunes et les femmes, se sont mobilisé·es comme rarement. En France, par exemple, cela a permis de reconstruire une fierté et une capacité d’agir après les violences policières et racistes et la répression contre les manifestations qui s’y opposaient, après l’attaque islamophobe autour de l’abaya, et dans le contexte de la montée de l’extrême droite.

Après plus de dix ans d’atonie, la mobilisation pour la Palestine s’est reconstruite, et elle redevient un symbole de la résistance à l’impérialisme.

 

Les fuites en avant des pouvoirs

La répression, dans tous les pays du monde, montre le potentiel politique des mobilisations pour la Palestine. Aux États-Unis, les étudiant·es ont été attaqué·es par la police et par des groupes sionistes. En France les manifestations ont été longtemps interdites, réprimées, puis découragées. En France et en Allemagne, une pression politique immense s’abat sur les secteurs mobilisés. Il ne s’agit pas seulement des franges les plus combatives, mais de toute voix dissonante : les universitaires, les député·es sont autant assailli·es, interdit·es, dénoncé·es que les collectifs militants de base. En France, l’offensive politique est permanente depuis le 7 octobre, et s’est poursuivie dans toute la presse (aussi bien écrite que télévisée), avec l’invitation de Netanyahou au journal de TF1, l’invitation de Biden en juin, le licenciement de Guillaume Meurice pour avoir traité Netanyahou de « sorte de nazi, mais sans prépuce ».

La chantage à l’antisémitisme a fortement pesé, puisqu’il a contribué à paralyser les organisations syndicales, terrifiées dans un premier temps par les menaces de poursuites judiciaires pour appologie du terrorisme puis de devoir affronter ceux et celles de leurs adhérent·es qui seraient sensibles aux arguments sur le caractère terroriste du Hamas ou sur le prétendu antisémitisme des mobilisations et de la résistance. Dans toute la gauche ont été relayés des arguments prétendant que l’antisémitisme serait croissant en France ou que les mobilisations pour la Palestine l’encourageraient. Des sondages Ifop pour l’UEJF et SOS-Racisme, d’une part, AJC Paris et Fondapol, d’autre part, donnent pourtant des informations inverses. Ces sondages montrent une augmentation temporaire des actes antisémites, des passages à l’acte, mais plutôt une diminution de l’antisémitisme. Selon le premier sondage, à la question « Pour chacune de ces catégories de personnes, dites-moi si vous trouvez qu’elles sont trop nombreuses en France ? », concernant les juifs, il y avait 13 % de oui en 1956, 16 % en 2014 et 8 % en 2021. En avril 2024, le second sondage pose la question « Pour chacune de ces catégories ou groupes de personnes, dites-moi si vous éprouvez à son égard plutôt de la sympathie, plutôt de l’antipathie ou ni sympathie ni antipathie ? ». La question n’est pas la même mais 6 % des sondés pensent qu’il y a trop de juifs. C’est bien sûr encore trop mais, pour les Maghrébins, c’est 22 %, pour les musulmans 26 %, pour les Roms 35 %. Le sondage informe également qu’après le 7 octobre, le « volume de propos antisionistes est bien plus important que celui des propos à caractère antisémite. Alors que le volume de propos antisémites retrouve en à peine un mois son niveau habituel, le volume de propos antisionistes se maintient à un niveau particulièrement élevé » (le sondage ne donne pas de chiffres permettant d’étudier la différence entre les propos, notamment sur internet, et les violences physiques ou les insultes).

Repris également par l’extrême droite (pourtant principale source historique de l’antisémitisme en France…), le chantage à l’antisémitisme a eu un rôle particulièrement néfaste pour la mobilisation.

 

Les difficultés de Netanyahou et ses alliés

Cependant, le soutien au génocide coûte cher. Un sondage Ifop pour le Crif, en avril 2024, montre que la « sympathie pour Israël » a diminué de 37 à 23 % entre octobre 2023 et avril 2024… alors que le regard sur les « actes du Hamas commis le 7 octobre » n’a pas changé, n’est pas plus clément. À la question « Êtes-vous satisfait ou mécontent de l’attitude et des prises de position des personnalités politiques suivantes sur la situation en Israël et sur la bande de Gaza depuis l’attaque du Hamas ? », pour Emmanuel Macron, la satisfaction passe de 49 à 38 % sur la même période (sans que le sondage précise pour quelle raison cependant, mais on peut supposer que les 10 % d’évolution, dans les deux questions, sont liés entre eux).

Même si on constate un essoufflement de la mobilisation de masse, il semble qu’un secteur conséquent de la population a compris et rejette la politique de Macron, et le phénomène semble similaire dans les autres pays.

Biden est mis en grande difficulté par la mobilisation, qui sape une partie importante de son soutien, avec le mouvement des « non-engagé·es », ces Américain·es qui refusent de soutenir « Genocide Joe » pour la présidentielle de 2024.

Netanyahou lui-même est déstabilisé, chaque mois un peu plus : par les mobilisations des familles d’otages qui lui demandent de trouver une solution, par la démission en juin de Benny Gantz et Gadi Eisenkot du cabinet de guerre, lequel a été dissous depuis mi-juin. Benny Gantz ne vaut pas mieux que Netanyahou, il propose de négocier une trêve débouchant sur la libération des otages avant de relancer une guerre qui durerait « des années »2. De nombreuses voix s’élèvent pour réclamer des élections législatives anticipées, qui sont prévues seulement en 2026. Netanyahou, visé depuis des années pour des affaires de corruption, devrait être en grande difficulté pour ces élections.

Il ne s’agit pas de considérer que tel ou tel dirigeant serait plus favorable aux Palestinien·nes que les autres – les plus influents sont tous d’extrême droite –, mais les divisions au sein du camp du génocide doivent être considérées comme des points d’appui affaiblissant l’adversaire.

 

L’enjeu des mobilisations pour nous

La première raison est évidente, il s’agit de l’enjeu humain, avec les centaines de milliers de morts causées par la guerre, et la menace raciste et fasciste incluse dans ce conflit basé sur un nettoyage ethnique et une idéologie suprémaciste. Nous voulons à tout prix arrêter ce génocide par tous les moyens dont nous disposons. Cela permet de se battre concrètement contre le fascisme et le racisme là-bas, mais aussi ici, car il y a partout des répercussions à cette guerre et l’augmentation du racisme et de l’islamophobie en France explique en partie le changement de paradigme diplomatique de la France par rapport à la situation sur place.

La deuxième raison est un enjeu plus global de déstabilisation de l’impérialisme : la Palestine est un élément-clé dans les rapports de force au Moyen-Orient3, sur la possibilité de relancer des révolutions arabes, une révolte contre les régimes qui collaborent avec Israël, et ainsi une rébellion contre l’impérialisme dans toute la zone, notamment pour ce qui concerne les rapports économiques et énergétiques avec les pays occidentaux.

Enfin, cette mobilisation revêt un caractère particulièrement important et enthousiasmant pour nous (malgré la gravité de la situation bien sûr), dans le contexte politique globalement très difficile : il s’agit de la mise en mouvement des classes populaires, et des personnes racisées notamment, des quartiers populaires. Ce sujet permet une politisation en France d’une partie de la population qui d’habitude est écartée des discussions politiques qui les touchent pourtant de plein fouet. Ce sentiment de révolte peut s’exprimer à travers l’injustice que vit le peuple palestinien.

 

Nos tâches dans cette période et ce mouvement

Malgré le reflux de la mobilisation ces dernières semaines, la continuité du génocide provoquera inévitablement de nouvelles mobilisations et ne change pas nos tâches générales. Nous considérons comme une tâche essentielle la construction de collectifs par en bas, pas seulement des cartels ou des cadres unitaires d’organisations. Ceux-ci ne permettent pas d’associer les personnes non organisées, en particulier dans les classes populaires, pas forcément habituées à s’organiser collectivement. Nous construisons Urgence Palestine comme une coordination de ces collectifs, quelle que soit leur dénomination locale. Participer aux cortèges, aux assemblées plénières, aux coordinations permet de faire des expériences militantes avec des milliers de personnes, dont certaines s’organisent pour la première fois, d’apprendre avec elles comment on anime une manifestation, un service d’ordre, une réunion, etc. Les manifs et les actions sont des moments politiques, pas de simples exutoires, car on reprend des slogans, on y écoute des interventions, on y discute, on collecte de l’argent ou des coordonnées, etc.

Nous nous inscrivons dans un soutien inconditionnel au peuple palestinien et à la résistance. Ce n’est pas parce que nous soutenons la résistance aux massacres subis par les Palestinien·nes que nous défendons le projet politique du Hamas. Mais nous considérons que c’est aux Palestinien·nes de choisir leur direction, de se donner les moyens d’en changer, et que notre soutien inconditionnel est la meilleure façon de les y aider. Nous soutenons donc, comme autrefois en Algérie et au Vietnam, la résistance, y compris  armée. Nous développons cependant une perspective politique à laquelle nous croyons : le simple mot d’ordre de cessez-le-feu ne suffit pas, les Palestiniens ne veulent pas le retour à un statu quo, ils veulent la fin de la colonisation, la possibilité de retourner sur leurs terres. Nous défendons donc le démantèlement de l’État d’Israël, un État fondé sur des bases racistes, et la perspective d’un État laïc et démocratique, de la mer au Jourdain, et sur la base d’un mouvement populaire de masse et régional. Nous ne voulons pas bien sûr « mettre les juifs à la mer » ou ailleurs, notre vision est que, comme par le passé, les différentes composantes du peuple palestinien, ques que soient leur religion et leur origine, puissent vivre ensemble, sans discriminations, à égalité politique et sociale.

 

Aider à construire une direction palestinienne

Dans ce combat, nous avons pour responsabilité d’encourager et de soutenir la construction d’une direction palestinienne alternative de celle du Hamas et du Fatah, noyé dans l’Autorité palestinienne qui collabore avec Israël. C’est de ce point de vue que nous travaillons en France avec le groupe Boussole Palestine, un groupe de Palestinien·nes au centre d’Urgence Palestine, dont Omar Alsoumi, Ramy Shaath et Salah Hamouri font partie, et qui partage avec nous un tel projet4.

Avec ces camarades, nous partageons d’ailleurs un point de vue sur l’articulation entre la question de la Palestine et les autres questions, en particulier le racisme. Notre lutte est antiraciste, antifasciste, anticoloniale et anti-impérialiste dans ses fondements mêmes. Mais cela ne signifie pas que cette vision est consciente pour les personnes prêtes à se mobiliser : beaucoup agissent contre l’horreur, contre le génocide, parce qu’on tue des enfants par dizaines de milliers. Parmi celles-ci, certaines peuvent croire à la fable de la nécessité d’un État juif (donc être concrètement sionistes, sans le savoir), d’autres avoir de très nombreuses illusions sur le rôle de la France dans le monde, ou sur les organisations de gauche, et ce n’est pas grave. Nous voulons un mouvement large. Ce qui nécessite de mettre au centre les revendications sur la Palestine. Cela n’empêche pas de participer à d’autres actions antiracistes, anticolonialistes, contre le RN, etc., mais en prenant en compte le danger, très grave dans la situation, de s’éparpiller ou de s’isoler.

 

Mener des batailles politiques

Construire un tel mouvement, à contre-courant de l’idéologie dominante et des médias, nécessite de mener de nombreuses batailles, parfois très difficiles. Ainsi, les syndicats français sont très peu mobilisés. Pourtant, il est possible d’agir concrètement et simplement, que ce soit avec des motions de solidarité avec les syndicats palestiniens, la question de l’armement, ou le boycott. Dans plusieurs pays, des actions ont été réalisées dans les ports, auprès des usines d’armement, avec un certain succès politique. Un autre action relativement facile est celle du boycott, une fois vaincus les arguments moralisateurs sur le dialogue entre les peuples, notamment grâce à l’exemple historique de l’Afrique du Sud, et de l’efficacité sur Puma ou les résultats financiers de Carrefour. La campagne BDS donne tous les outils nécessaires, les priorités, et est forte d’une grande légitimité, pour organiser des actions des plus simples (diffusion ou collage d’autocollants) aux plus offensives. 

En septembre se posera aussi de façon cruciale la question de la jeunesse. En effet, une partie de celle-ci s’est investie autour des occupations, et les massacres de l’été peuvent enfin faire basculer une frange significative dans l’action. En s’appuyant sur les activités menées dans les universités, les quelques blocages de lycées et surtout la préoccupation qui existe dans les quartiers populaires, notamment chez les jeunes femmes, il y a un potentiel de mobilisation important.

Enfin, il n’est pas honteux de se poser la question de construire notre organisation dans cette bataille. Pas comme le font certaines organisations dont les actions et les orientations ne sont pas déterminées par les intérêts généraux du mouvement et des Palestinien·nes, mais par les gains que ces organisations espèrent obtenir. Les orientations sont au service de leur construction, au lieu que ce soit l’inverse, que l’organisation soit au service d’idées, d'objectifs politiques et militants. On peut commettre des erreurs, mais on les fait avec les personnes mobilisées, pour le mouvement, pas pour des intérêts sectaires. Pour nous, un organisation concrétise des liens politiques autour d’idées, on s’organise pour rendre plus efficace la défense de ces idées. D’ailleurs, essentiellement, dans un mouvement qui fait face à de grandes difficultés, à l’appareil d’État, et est assez isolé, cliver est criminel, la priorité est de mettre son organisation au service du mouvement : nous partageons nos analyses, nos réseaux internationaux, nos capacités militantes et organisationnelles (sonos, expérience des mouvements, capacité à imprimer un tract, à organiser une réunion, etc.) pour construire. Avec sincérité, sans cacher nos orientations. De ce point de vue, un travail reste nécessaire pour articuler la construction du mouvement, y compris sa dimension révolutionnaire régionale et internationale, avec notre vision en termes de classes sociales. Notre stratégie internationaliste ne se limite pas à la solidarité et au combat, elle revêt aussi un caractère de coopération entre les peuples, pour la destruction à terme des États. Mais dans l’état actuel des rapports de forces, il s’agit d’une réflexion essentiellement théorique et abstraite.

  • 1. « Conflit Israël-Hamas : 17 % des soldats israéliens morts dans la bande de Gaza ont été tués par leur propre armée », France Info, 1er janvier 2024.
  • 2. « En Israël, Benyamin Nétanyahou dissout le cabinet de guerre », Louis Imbert, 18 juin 2024, Le Monde.
  • 3. Le terme de Moyen-Orient doit être utilisé en connaissance de cause, avec un regard critique : ce concept inventé par le Royaume-Uni date du 19e siècle, dans la continuité de sa volonté colonisatrice et impérialiste au Proche-Orient, plus près du Royaume-Uni, par opposition au Moyen-Orient, un peu plus loin, et à l’Extrême-Orient. Des termes qui n’ont d’ailleurs pas toujours désigné exactement les mêmes territoires. Aujourd’hui, le Proche-Orient désigne généralement la Turquie, la Syrie, le Liban, la Palestine et Israël, et l’Égypte, et le Moyen-Orient la Jordanie, l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan, l’Arabie Saoudite, le Yémen, Oman et les Émirats arabes unis. En anglais, toute cette région est désignée par le terme Middle East, que nous reprenons ici.
  • 4. Voir « À Gaza, au Caire, à Paris, construire une direction palestinienne », entretien avec Ramy Shaath, Inprecor, juin 2024.