Publié le Mardi 17 juin 2025 à 12h00.

En Italie, après l’échec du référendum, nouveau départ dans les luttes

Malgré l’échec des référendums, une nouvelle séquence de mobilisation s’annonce en Italie pour les salaires, pour la paix, contre les lois de l’exploitation et l’extrême droite.

Les référendums sur le travail et la citoyenneté n’ont pas atteint le quorum nécessaire (50% + 1) pour être valides. C’est une défaite pour la classe ouvrière, qui confirme le climat politique délétère, marqué par un individualisme où le ventre mou, passif et colérique de la société l’a emporté. La droite au pouvoir sort renforcée de ce vote, ayant misé sur l’abstention pour faire échouer les référendums.

L’extrême droite et le patronat ont distillé leur poison

En réalité, seuls 30 % des électeurEs éligibles, soit environ 15 millions de personnes, ont voté ; parmi eux, environ 12 millions ont voté oui aux quatre questions portées par la CGIL (entre 87 % et 89 %), mais seulement 9 millions (65 %) ont soutenu la proposition sur la citoyenneté, qui aurait permis à un million et demi d’immigréEs de demander plus rapidement la nationalité — autrement dit, l’égalité des droits avec les autres travailleurEs italienNEs. Le poison de la division distillé par la Ligue de Salvini et les forces proches du patronat a donc produit ses effets.

Forte désaffection et faiblesse du mouvement ouvrier

Pour comprendre ce vote, il faut aussi rappeler qu’aux européennes de 2024, la participation avait déjà été très faible (à peine plus de 50%). Les 15 millions de votantEs ne représentent même pas l’ensemble des salariéEs (environ 19 millions), sans même compter les retraitéEs, les chômeurEs et celles et ceux qui travaillent au noir.

Sur les 20 régions italiennes, seules la Toscane et l'Emilie (régions historiquement de gauche ou de centre-gauche) approchent la barre des 40%, suivies de près par le Piémont, où la CGIL a pu mener une campagne de proximité ; les régions du sud et le Trentino font figure de mauvais élèves (22%). Dans les grandes villes, la participation est bien supérieure à la moyenne nationale bien qu’aucune n'ait dépassé le seuil des 50%. Turin frôle les 40%, Milan frôle les 36%, Bologne 44,61%, Florence 45,96%, Gênes 38,48%, mais Rome n'est qu'à 33,96% et Naples à 31,76%. Le vote dans les différentes zones des villes est très diversifié.

L’Italie a déjà connu de grandes victoires référendaires (divorce, IVG, énergie nucléaire, eau publique), mais ces campagnes reposaient sur une hégémonie construite par les secteurs avancés de la classe ouvrière et des mouvements sociaux. Utiliser aujourd’hui cet outil dans un contexte si différent fut un choix très controversé, voire irréfléchi, de la part de la CGIL — même si toute la gauche sociale et politique s’y est pleinement engagée.

On repart avec les luttes contre le réarmement et pour les salaires

La discussion sur le vote a vite laissé place à d’autres urgences : les vents de guerre dominent désormais le débat politique et social. Mais les secteurs actifs de la société et du monde du travail ont deux rendez-vous essentiels qui permettront de mesurer l’impact de cette défaite :

 – la manifestation nationale contre le réarmement et pour la Palestine (et plus généralement contre la guerre) le 21 juin à Rome ;

 – la grève des métallurgistes, la veille, concernant 1,6 million de salariéEs en lutte depuis des mois pour leur contrat.

Les syndicats de base appellent ce jour-là à une grève générale avec le mot d’ordre : « Baissez vos armes, augmentez les salaires ! »

Résister face au capital et à l’extrême droite

Au-delà des résultats, le mérite de cette campagne est d’avoir rouvert le débat sur le travail et la citoyenneté : sur les marchés, dans les quartiers, sur les lieux de travail, deux lois sont à contester — le Jobs Act et la loi actuelle sur la citoyenneté, véritables piliers de l’exploitation.

Nous repartons de la société et des lieux de travail, en essayant d’activer les 9 millions de personnes qui ont soutenu le contenu de classe et d’unité de la campagne. Prochaine étape : construire une saison de luttes pour les salaires, la sécurité au travail et les droits civils et sociaux, pour désamorcer la dynamique perverse de démoralisation et d’individualisme. Vendredi et samedi seront deux journées décisives pour tester la force du mouvement d’opposition aux politiques libérales et destructrices du capital et de l’extrême droite.

Franco Turigliatto