Publié le Mercredi 14 février 2024 à 15h00.

État colonial : Mayotte, laboratoire du tout-répressif

Depuis plusieurs semaines, les violences contre les migrantEs, mais aussi entre bandes, ont redoublé en nombre et en intensité. L’abandon de l’État est largement ressenti par l’ensemble des MahoraisEs, même si c’est de manière différenciée. L’opération Wuambushu n’a rien résolu. Pire, Darmanin en visite sur l’île annonce la fin du droit du sol à Mayotte.

 

Depuis 2018, un rassemblement de différents collectifs devient un acteur politique central à Mayotte. Ces collectifs souvent réactionnaires, accueillant volontiers M. Le Pen, excédés par l’augmentation du nombre d’étrangerEs sur l’île, militent autour d’une seule revendication xénophobe « Expulsez-les ! ». L’expression de leur haine raciste s’est accentuée fin décembre avec l’installation de migrantEs de l’Afrique des Grands Lacs dans l’enceinte d’un stade de la capitale. Ces « citoyenNEs » ont alors abattu des arbres pour bloquer les routes, empêchant des médecins de se rendre dans les centres de santé, bloquant même le service des étrangerEs à la préfecture et les audiences au tribunal administratif, estimant qu’ils favorisaient l’appel d’air. Le tout sans vraiment de répression de la part de l’État !

Mayotte, « la sous-France »

Mayotte est le territoire français le plus mal loti en services publics : santé, logement, eau, électricité, transports, enseignement. L’école est un exemple emblématique. La scolarisation n’est devenue obligatoire à Mayotte qu’à partir de 1993, l’enseignement y était en langue française alors que la quasi-­totalité des enfants ne la comprenait pas. Aujourd’hui, les enseignantEs sont à 80 % des Français de la métropole, 10 000 enfants ne sont toujours pas scolarisés, et unE jeune sur deux sort de l’école sans diplôme ni papiers. Et pourtant l’école est le seul espace destiné aux enfants et adolescentEs, où ils et elles expriment l’ensemble de leurs manques. L’absence criante de moyens ne permet évidemment pas d’y répondre. Ce qui explique peut-être que la colère des jeunes en errance, sans perspectives, souvent sans parents, se déchaîne contre les établissements et bus scolaires. La guerre entre bandes organisées de quartiers se développe. La réponse première de l’État est la prise en charge du blindage des vitres des bus (!), la mise en œuvre de Wuambushu 2, la construction de 4 000 nouvelles places de prison… et depuis le 11 février, la fin du droit du sol.

Mayotte, ballon d’essai politique ?

Non seulement les MahoraisEs les plus démuniEs n’ont pas de réponse aux besoins humains vitaux, mais les droits des migrantEs et des demandeurEs d’asile sont largement inférieurs à ceux de la métropole : hébergement, regroupement familial, protection des mineurEs, droit à une allocation pour les demandeurEs d’asile, durcissement des conditions du droit du sol. Ce droit différencié à Mayotte est une continuité du « droit » colonial et déjà une rupture avec le principe de l’égalité des citoyenEs et de l’indivisibilité de la République. Il valide de fait la thèse de Zemmour du « grand remplacement ».

Mais Macron et Darmanin vont encore plus loin sur les terres de l’extrême droite, face à la crise sociale, économique et sécuritaire, ils déclarent la fin du droit du sol. Ne pourront devenir Français que les enfants nés de parents français. Il sera difficile d’obtenir un titre de séjour. Le ministre estime que les nouvelles réglementations permettront de réduire de 90 % le nombre de titres.

C’est une rupture grave avec les principes républicains. Sans surprise, Ciotti, Maréchal et Bardella exigent l’extension de cette décision (qui devra quand même passer par une réforme constitutionnelle) à l’ensemble du territoire.