Publié le Dimanche 11 octobre 2009 à 11h14.

Fin de manche à Madagascar ?

Le pouvoir de fait issu du putsch d’Antananarivo du 17 mars 2009 – au bout de trois mois de tensions extrêmes entre le régime corrompu et autoritaire de Ravalomanana et un front d’opposants politiciens laminés par la rapacité de ce « tycoon »-chef d’Etat – a implosé au seuil de son sixième mois d’existence.

Le 6 octobre, l’autre tycoon, Andry Rajoelina, qui s’est autoproclamé « président de la Haute autorité de transition » à la chute de Ravalomanana, lâche en rase campagne son premier ministre Monja Roindefo, héraut des « Forces du changement », une alliance hétéroclite et sans assise populaire de politiciens opportunistes et de groupuscules ultra-nationalistes, droitiers et staliniens.

Visiblement lassée par l’incapacité de Rajoelina à s’imposer aux classes dirigeantes et à les unifier plus ou moins durablement sur un axe qui la satisferait, la Françafrique – Guéant et Joyandet eux-mêmes en première ligne – avec la complicité bienveillante de Mouamar el Kaddafi, l’a laissé se piéger en le poussant jusqu’à se faire humilier devant l’Assemblée générale des Nations-Unies où l’interdiction qu’il prenne la parole (pratique inhabituelle en ce lieu), demandée par la SADEC (Afrique australe), a été votée par une majorité. En transit à Paris, après la claque subie à New-York, il a fait des pieds et des mains pour être reçu par Sarkozy même mais n’a eu droit qu’à une convocation de Guéant pour se voir intimer d’annoncer qu’il appliquera les accords de Maputo du 9 août signés par les quatre mouvances (dont la sienne) identifiées par la « communauté internationale » comme étant les « protagonistes de la crise malgache ».

Il est patent que la Françafrique a gardé l’initiative tout au long de cette crise, c’est-à-dire depuis décembre 2008. Alors que les intérêts français passaient de plus en plus derrière ceux des puissances concurrentes et même derrière ceux de puissances émergentes sous Ravalomanana, la « réussite » de la Françafrique dans sa manière de driver son « marchepied » Rajoelina (cf. Afriques en lutte, n°2), en faisant alterner provocations, surenchères et postures conciliantes, lui permet au final de participer à la supervision du processus politique de partage des pouvoirs cadré par les accords de Maputo et de disposer de plus de marges que sous Ravalomanana pour imposer les intérêts des Total, Bouygues, Bolloré etc. dans le futur partage des marchés (miniers, pétroliers, portuaires et autres)

Le grand hic pour ce grand deal entre les fractions dirigeantes malgaches, sous les auspices d’une « communauté internationale » qui s’accommode d’une Françafrique imposante, c’est que la société civile organisée depuis plus d’une décennie et largement structurée depuis la base a acquis une vraie légitimité. Elle a été le maître d’œuvre non politicien du « dialogue inclusif pour une sortie de crise consensuelle, pacifique et dans l’intérêt de la population » qui l’a permis. Le cours qui vient, avec son cortège de flambée des prix, d’une période soudure dangereuse pour les paysans, d’une mise au chômage massive de travailleurs inhérente à la crise, d’un malaise étudiant et scolaire grandissant etc. ne va pas manquer de solliciter les réseaux de société civile, collectifs citoyens et confédérations syndicales… pour une autre politique…

Pierre Sidy.