Les élections présidentielles de la Grande Île montrent l’emprise d’une classe politique corrompue profitant de l’indigence des populations pour se maintenir au pouvoir.
Gagner dès le premier tour. L’objectif est atteint pour Andry Rajoelina. Il l’emporte avec 59 % des votes. Le taux de participation annoncé est de 46 %, contesté par une opposition dont la plupart des candidats avaient appelé au boycott.
Stratégie de l’opposition
La campagne a été dominée par plusieurs affaires. Le remplacement de Rajoelina, lors de la période électorale, par un général à la retraite à la suite de la démission forcée du président du Sénat en raison de menaces reçues. Cette entorse à la Constitution génère des doutes sur la sincérité du scrutin. Autre affaire, celle de la nationalité de Rajoelina. En obtenant sa naturalisation française il perdait automatiquement sa citoyenneté malgache.
À l’exception de deux candidats dont Randrianasoloniaiko, considéré comme un allié de Poutine, qui a obtenu plus de 14 %, l’ensemble des candidats de l’opposition regroupés dans le Collectif des dix a, dans ces conditions, refusé de faire campagne et a appelé les Malgaches au boycott du scrutin.
Victoire biaisée
Une telle stratégie a laissé un boulevard à Rajoelina. Il s’est abstenu de rendre compte de son bilan catastrophique. L’ONG Ivorary considère que Rajoelina n’a tenu que 13 % de ses promesses électorales faites en 2018 dans le cadre de son Plan émergence Madagascar.
Dans le même temps, les deux principaux candidats de l’opposition qui ont été au pouvoir Ravalomanana et Rajaonarimampianina partagent avec le président sortant la corruption et l’accaparement des ressources du pays au profit de leur clan.
Rajoelina, au-delà des promesses électorales, s’est surtout attaché à l’achat des consciences en utilisant le programme Tosika Fameno financé par la Banque mondiale pour attribuer une vingtaine d’euros aux populations les plus pauvres.
Dès le lendemain des élections, des queues se sont formées devant les locaux du parti présidentiel pour demander l’argent promis pour le vote.
Les libertés mises à mal
Pendant la campagne électorale, les rassemblements de l’opposition ont été interdits, les manifestations férocement réprimées. Cette répression perdure. Le Collectif des dix n’appelle pas à des manifestations, de peur d’une riposte sanglante du pouvoir. L’Observatoire de la vie politique Safidy qui a déployé des milliers d’observateurs dans les bureaux de vote se refuse à tout recours auprès de la Haute Cour constitutionnelle, de crainte de représailles pour ses militants. Des menaces se font jour aussi dans le propre camp présidentiel. Ainsi, la demeure de Christine Razanamahasoa, présidente de l’Assemblée nationale, a été attaquée après sa déclaration critique sur le bilan de Rajoelina.
L’émergence d’une force politique capable de représenter les aspirations des populations n’est pas encore à l’ordre du jour en dépit de la multitude de structures défendant les revendications sociales et environnementales.