Vendredi 10 et samedi 11 mai, près de Londres, la réunion des ministres des Finances des sept principales puissances économiques de la planète – hors Chine – (G7) a marqué une fois de plus l’impuissance des dirigeants face à la prolongation de la crise économique. Outre des annonces sur l’évasion fiscale, le cap est mis sur la casse des acquis sociaux.«Il y a encore de nombreux défis pour garantir une reprise mondiale durable », a déclaré le ministre anglais organisateur de la réunion. C’est le moins que l'on puisse dire. La croissance européenne est toujours aux abonnés absents. Cela va un peu mieux aux États-Unis mais la Chine donne des signes d’essoufflement. En Europe et aux États-Unis, les banques centrales financent les banques à un taux très bas. Mais celles-ci ne veulent pas prêter aux entreprises et aux particuliers. Et d’ailleurs, pour ce qui est des entreprises, elles n’empruntent pas, car elles n’ont aucune raison de faire repartir leurs investissements : les surcapacités de production se combinent avec la faiblesse de la demande des ménages et, en Europe surtout, avec les politiques d’austérité budgétaire.Dans leurs déclarations publiques, les États-Unis poussent l’Europe (et d’abord l’Allemagne) à mettre un peu de souplesse dans l’austérité. En fait, les dirigeants européens, y compris allemands, ont déjà commencé à bouger car l’austérité a des conséquences en chaîne : ainsi, les exportations allemandes ont commencé à reculer. Sur un an (de mars 2012 à mars 2013), elles affichent une chute de 4,2 % au total, dont 7 % de baisse pour celles dirigées vers la zone euro. Les deux ans de délai, accordés par la Commission européenne à la France pour revenir à un déficit budgétaire de 3 % (l’échéance est reportée à 2015), témoignent de cette inflexion, mais on aurait tort de croire à une évolution positive.
Et ça continue encore et encore…En échange, le gouvernement français va prendre des engagements sur l’accélération de la réforme des retraites, de nouvelles réformes du marché du travail, des libéralisations supplémentaires des services publics (Edf, Sncf). Pour une fois sincère, Moscovici a vendu la mèche dans une déclaration à Berlin le 7 mai : « les réformes structurelles et le redressement des comptes sont les deux faces de la même médaille ». En clair, face à la difficulté de comprimer encore plus vite les dépenses, on étale l’effort sur le budget, mais les réformes structurelles, c’est-à-dire la casse sociale, vont continuer de plus belle, voire s’accélérer pour les retraites. La France passe progressivement à la moulinette des mesures exigées par la « Troïka ».Les déclarations du week-end dernier du président de la Réserve fédérale américaine (l’équivalent de la Banque centrale européenne) constituent un autre indice de l’impuissance face à la crise. Il a souligné que les risques de faillite dans le système financier perduraient. Du coup, la Fed s’interroge sur le fait de continuer à accorder des crédits presque sans limite, crédits qui alimentent pour une large part la spéculation. Mais arrêter, c’est aussi risquer de casser un peu plus la croissance…Pour faire oublier son incapacité face à la crise, le G7 a beaucoup communiqué sur l’évasion fiscale. Les États-Unis et l'Australie viennent d'annoncer le lancement d'une vaste enquête internationale après avoir reçu des milliers de fichiers informatiques sur des comptes secrets dans des paradis fiscaux. On verra ce qu’il en sera effectivement : ce message a avant tout une portée politique face à des opinions publiques qui en ont assez de payer, alors que les services publics sont en détresse et que les « gros » échappent à l’impôt.
Henri Wilno