Le refus soudain de Donald Trump de signer le communiqué commun de la conférence du G7 n’est pas purement anecdotique : il renvoie à un climat nouveau et à des contradictions grandissantes entre les grands blocs économiques et politiques.
Le G7 a été créé en 1974-1975 dans un contexte de crise économique pour réunir -annuellement les plus grands États capitalistes de l’époque (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada). La Russie, intégrée en 1997, n’a plus été invitée depuis 2014 suite à l’annexion de la Crimée. Le G7 n’a jamais eu une grande importance pratique, mais il pouvait donner une impulsion à certains dossiers et, surtout, était un peu le symbole du fait que, malgré les turbulences, les grandes puissances n’étaient pas décidées à se lancer dans une guerre commerciale comme celle qui avait accentué la crise dans les années 1930.
« Domination par la concertation »
Ce refus, jusqu’à présent, de la guerre commerciale, renvoie à une donnée objective : l’internationalisation du capitalisme. Les processus de production et de circulation des marchandises (et des capitaux) sont désormais organisés sur une base internationale. Pour accompagner cette évolution ont été mises en place des institutions économiques internationales (comme l’Organisation mondiale du commerce – OMC) et des accords commerciaux par grandes zones géographiques.
Première puissance mondiale, les États-Unis jouaient jusqu’à -aujourd’hui le jeu de la coopération, jugeant plus efficace de faire endosser par leurs alliés, de manière en apparence contractuelle, les solutions qui avaient leur préférence. D’autant que la coopération avait un volet militaire avec l’Otan, non démantelée au moment de la chute de l’URSS, et au contraire sans cesse élargie à des nouveaux membres.
Des paroles et des tweets
Cette année, dès avant le G7, Trump avait commencé à faire monter la température en annonçant des hausses des tarifs douaniers et, par ailleurs, en dénonçant des accords en négociation (comme le partenariat transpacifique avec des pays d’Asie) ou en menaçant de mettre fin à l’accord commercial avec le Mexique et le Canada. Dans le même temps, Trump prenait des décisions de politique étrangère contre l’avis de ses partenaires, comme la sortie de l’accord de Paris sur le climat ou la dénonciation de l’accord nucléaire avec l’Iran.
Lors de la réunion du G7, Trump a d’abord accepté de mauvaise grâce un communiqué qui ne l’engageait pas à grand chose. Puis, une fois parti, dans l’avion, il a envoyé un tweet pour annoncer qu’il retirait sa signature.
America first
La politique de Trump est une -réaction à un contexte international transformé où les États-Unis sont confrontés à une nouvelle superpuissance en montée rapide (la Chine), sont relativement affaiblis économiquement et doivent faire face à des formes diverses de contestation de leur politique. Dans une économie capitaliste mondiale à faible croissance, où la croissance du commerce mondial est ralentie, la concurrence est accrue. Trump en tire la conclusion qu’il ne sert à rien de s’encombrer des rites diplomatiques et des institutions internationales : l’Amérique doit pouvoir décider de ce qui est bon pour elle, vite, et sans s’encombrer des formes.
Au-delà des singeries de Trump, il apparaît que, pour les États-Unis, la période de la « domination par la concertation » va vers sa fin. Il s’agit de forcer l’Union européenne et le Japon à plier et, sans doute ensuite, d’essayer de négocier en position de force avec Chinois et Russes. Jusqu’où tout cela ira-t-il ? Que se passera-t-il après Trump (qui peut être réélu) ? Difficile de le dire à ce stade. Une chose est cependant à peu près claire : la montée des incertitudes sera un motif supplémentaire pour que les différentes bourgeoisies essaient de souder leur population derrière elles, renforcent l’austérité et augmentent les dépenses militaires.
Henri Wilno