Des dizaines de milliers de manifestantEs ont protesté contre la politique d’austérité du gouvernement.
Le plus modéré des syndicats d’enseignants, l’ATL, a créé la surprise en mettant en débat une motion proposant un appel à la grève contre les propositions gouvernementales en matière de retraites. Et, pour la première fois en 130 ans, les participantEs à la réunion de l’ATL ont unanimement voté cet appel. Le lendemain, la NUT, plus radicale, a fait de même. En revanche, le secrétaire général du troisième syndicat, le NASUWT, Chris Keates, a indiqué que, par principe, il ne pouvait pas y avoir de grève alors que des négociations sont en cours. 150 ans de luttes jetées aux poubelles de l’histoire donc, tandis que l’on proclamait l’avènement d’un syndicalisme modéré et responsable.
Mais qu’est-ce qui a amené une majorité d’enseignants à se poser la question de la grève ? Les retraites des salariéEs du secteur public sont une cible évidente depuis que la coalition gouvernementale a affirmé sa volonté prioritaire d’en finir avec la « dette » et annoncé son premier budget d’austérité. ChacunE a fait le lien entre le choix d’augmenter la contribution des salariéEs pour les retraites, tout en diminuant potentiellement celle des patrons, et celui de privatiser certains domaines de l’éducation. Depuis février, les syndicats du secteur public ont participé à des réunions avec le gouvernement, pour discuter non pas des réformes proposées mais de la manière de les mettre en œuvre. Le gouvernement voulait que les salariéEs du secteur public contribuent davantage, travaillent plus longtemps, pour toucher des retraites amputées. Cela signifiait notamment augmenter la contribution des enseignantEs de 50 %, obliger les enseignantEs de moins de 34 ans à travailler jusqu’à 68 ans et calculer le niveau des pensions non sur la moyenne des trois meilleures années sur les dix dernières mais sur une « moyenne de carrière ».
Le gouvernement a également décidé de modifier la référence servant à fixer l’augmentation des pensions, ce qui revenait à en réduire la valeur de 1 %, en moyenne, chaque année. Ces changements n’étaient pas destinés à une amélioration des retraites des enseignantEs mais constituaient une « taxe » pour rembourser l’argent distribué aux banques pendant la crise. Le gouvernement a maintenu ses positions dans toutes les réunions organisées avec les syndicats, les aggravant même sur certains points.
L’ensemble de ces facteurs, ainsi que l’attitude combative de la nouvelle direction du NUT, expliquent le vote massif (92 % des exprimés) en faveur de la grève. Dans l’ATL, 83 % des votantEs se sont prononcéEs pour la grève. Les enseignantEs ont été particulièrement motivéEs, ayant pu calculer le montant prévisible de leur contribution et de leur retraite sur les sites internet des syndicats…
La grève du 30 juin a été impressionnante, touchant plus de 80 % des établissements en Angleterre et au Pays de Galles. Les enseignantEs écossaisEs et d’Irlande du Nord ne participaient pas au mouvement, n’étant pas touchéEs par les mêmes réformes. Les manifestations ont également dépassé les prévisions : plus de 20 000 à Londres, 6 000 à Birmingham et Bristol, 3 000 à Sheffield…
Ces manifestations ont aussi montré l’émergence d’une nouvelle catégorie de militantEs, jeunes, souvent des femmes, qui ont pris la tête de leurs cortèges d’établissement.
Elles étaient également soutenues par l’UCU, syndicat d’enseignantEs du supérieur, et le PCS, principal syndicat de la fonction publique. Beaucoup de manifestantEs ont fait état du soutien de la population sur leur passage. Bien sûr, une grève d’une journée ne suffira pas. Mais sa réussite indique clairement que le gouvernement va avoir fort à faire pour imposer sa réforme. De nouvelles grèves sont envisageables à la rentrée et la tâche principale est de convaincre d’autres secteurs parmi les salariéEs du public de se joindre aux enseignantEs. Des sections locales de Unison, principal syndicat du secteur public, s’y préparent, organisant une pression sur leur direction. Cela doit être le cas dans les autres organisations, GMB et Unite. En ce qui concerne le Parti travailliste, les commentaires de certains dirigeants, indiquant qu’il ne faudrait faire grève ni maintenant ni à l’automne, ne l’ont pas rendu très populaire parmi les enseignantEs. Cette trahison des travaillistes fait que de nombreux militantEs discutent désormais de la nécessité de construire un nouveau parti des travailleurs. Localement, des comités de coordination entre les syndicats se développent et défendent la perspective de la grève. Dans de nombreux endroits, ils travaillent avec des groupes pré-existants contre la politique d’austérité. En effet, il apparaît clairement que le combat contre la réforme des retraites s’inscrit dans un combat plus large contre le plan d’austérité du gouvernement, destiné à faire payer la crises aux salariéEs.
Jon Duveen (Socialist Resistance), traduction Ingrid Hayes