Publié le Jeudi 22 janvier 2015 à 20h21.

Haïti : le poing levé

Déjà 5 ans ! Haïti est toujours marquée par le terrible séisme de 2010, qui fit 230 000 mortEs, 300 000 blesséEs et 1,2 million de sans-abri. Depuis, l’île vit une ébullition sociale et politique.

Cinq années mouvementées... Depuis le tremblement de terre, chaque année a eu son lot d’actualité qui, loin des caméras, a eu son importance. Et par effet d’accumulation, cela permet aujourd’hui au peuple haïtien de se relever. à peine le tremblement de terre passé, la population haïtienne a dû faire face à une épidémie de choléra qui continue à sévir dans les trop nombreux camps de sans-abri. 8 000 personnes en sont mortes, alors que cette épidémie, importée par les forces de la Minustah (casques bleus), avait créé un mouvement de colère contre ces nouvelles forces d’occupation qui n’ont toujours pas reconnu être à l’origine de l’épidémie (malgré le résultat de différentes études).C’est dans ce climat de colère et d’injustice que ­Michel Martelly est élu en 2011. Affrontements de gangs rivaux soutenant différents candidats, bourrage d’urnes, Martelly s’imposera sans incarner de ruptures avec la domination d’une bourgeoisie issue des années Duvallier et du Macoutisme. Ces dernières années, Baby doc fera d’ailleurs son retour sur l’île en toute sérénité, bien que menacé de procès... Il ne sera jamais réellement menacé et s’éteindra fin 2014. Le pouvoir, qui voulait faire de son enterrement des funérailles nationales, devra reculer face à l’indignation et à la mobilisation.Car des mobilisations, Haïti n’en aura pas manqué ces dernières années, passant au fil des mois et des années de l’indignation sur le terrain social au rejet de la classe politique au pouvoir.

Vers le « déchoukage » ?Le travail syndical et politique d’organisations progressistes a commencé à porter ses fruits. La reconstruction d’Haïti a surtout été concentrée sur l’élargissement du nombre de zones franches qui profitent principalement aux entreprises américaines, des zones de non-droit syndical. Le tremblement de terre avait interrompu une mobilisation naissante sur le salaire minimum, pour que ce dernier soit porté à 500 gourdes (9,24 euros) par jour. Ces luttes ont su reprendre et porter leurs fruits l’an passé, le pouvoir ne répondant pas à cette revendication mais devant tout de même définir un salaire minimum. Évidemment, cette mobilisation s’est passée dans le cadre d’une répression féroce, mais a créé le terreau d’une mobilisation sociale d’ampleur rare dans l’histoire haïtienne. C’est la création de nouvelles taxes de 10 % sur les salaires des travailleurs pauvres qui a définitivement mis le feu aux poudres.Du social au politique, le pas a été franchi ces derniers mois avec la démission du Premier ministre le 21 décembre dernier, mettant de plus en plus en difficulté le pouvoir du président Martelly. Ce dernier manipule les institutions pour ne pas paraître affaibli, mais c’est bien le cas, le nouveau Premier ministre étant nommé pour une durée de 30 jours…Ce mouvement populaire est évidemment récupéré par les partis d’opposition qui demandent le « déchoukage » (l’éviction) du gouvernement et du président actuel, et l’organisation de nouvelles élections. Mais ils ne reprennent évidemment pas les revendications de la mobilisation populaire portant sur le salaire minimum, et le manque d’électricité et d’eau dans les quartiers populaires.Cette mobilisation ne doit pas se faire une nouvelle fois dévoyer par une classe politique au service de la bourgeoisie macoutiste et des industriels américains.Ces prochaines semaines seront cruciales, et ici notre solidarité commence par la demande d’annulation de la dette et la restitution des sommes versées par Haïti à la France.

Thibault Blondin