Publié le Samedi 14 janvier 2012 à 22h24.

Hongrie : nouveau laboratoire social

Des voix s’élèvent – dans les rues de Hongrie et dans les institutions de l’UE – contre la Loi fondamentale que le gouvernement ultra-nationaliste d’Orban vient de mettre en vigueur. Mais nous dénonçons une seule et même politique antisociale et antidémocratique, qu’elle soit menée par le capital transnational ou avec le label hongrois ; nous le faisons avec ceux qui, en Hongrie, ont pu voter pour l’adhésion de leur pays à l’UE en espérant (à tort) que cela les protégerait de la montée d’une extrême droite raciste, antisémite, affichant ouvertement des sigles nazis. 

La Hongrie a été le premier pays de l’UE (membre depuis 2004), à avoir recours aux prêts du FMI (20 milliards d’euros en octobre 2008) assortis de conditions drastiques : gel des salaires, recul de l’âge de départ en retraite à 65 ans pour les hommes et les femmes, chasse systématisée aux pauvres pour réduire ou supprimer les aides sociales, suppression massive d’emplois publics, etc.

Aujourd’hui, la dette publique hongroise dépasse les 83 % de son PIB, en partie parce que, sous étiquette socialiste, les préceptes néolibéraux ont été appliqués pour attirer les capitaux privés, alors que les résistances sociales ont empêché plusieurs années durant la privatisation notamment des services de santé. Et ses besoins de financement à court terme sont considérables (il lui faut trouver entre 15 et 20 milliards d’euros en devises au plus vite). C’est tout l’enjeu d’un nouvel accord en cours avec le FMI.

La purge qu’a déjà connue la population ne suffit pas. Avec la Loi fondamentale adoptée en avril 2011 et qui s’applique depuis le 1er janvier, les maigres acquis sociaux qui subsistent vont disparaître : poursuite des privatisations des services publics (notamment des écoles), fin de la progressivité de l’impôt avec un taux unique à 16 % sur les revenus, TVA qui passe de 25 à 27 % sur les produits de première nécessité, augmentation des taxes sur l’essence, le tabac et l’alcool, instauration de la mise à pied sans justification dans le secteur public, refonte du régime des retraites, instauration d’une « règle d’or » sur les déficits publics, etc. Mais ce n’est pas contre cette politique sociale que protestent les institutions européennes ! Les étiquettes sont brouillées, parce que les mêmes politiques se mènent dans le cadre d’alternances sans alternatives.

La majorité qui a amené Orban et le Fidesz (coalition de centre droit) au pouvoir en 2010 est aussi fragile que celle de l’adhésion à l’UE (adoptée à 80 % par référendum en 2003 mais avec une participation inférieure à 45 %).

Les manifestations considérables réagissant en partie à ces plans d’austérité (plus de 100 000 personnes à Budapest le 4 janvier) font penser à celles du peuple grec en lutte contre la Troïka. Mais elles se dressent aussi contre une loi qui verrouille les procédures d’alternance démocratique et prônent un droit du sang (vote des Hongrois). En l’absence d’alternative politique (le principal parti d’opposition, le Parti socialiste de Gyurcsany est pro-UE et adepte des « potions » du FMI alors qu’Orban est lui-même vice-président du PPE). Tout reste à construire en Hongrie.

Un mouvement des IndignéEs a vu le jour fin 2011. De la place Syntagma d’Athènes à l’avenue Andrassy de Budapest en passant par la Puerta del Sol de Madrid et les quartiers populaires de Londres, un même mot d’ordre monte en Europe : « qu’ils s’en aillent tous ! »

Le nouveau laboratoire social de l’Union européenne qu’est la Hongrie d’aujourd’hui rend d’autant plus urgente la construction de mobilisations européennes contre la dette et les plans d’austérité, dont les périphéries de l’Est et du Sud de l’UE sont les premières à pâtir.

Pascal Franchet, vice-président du CADTM France