Un carnage assumé
Le monde a été surpris et choqué de la violence avec laquelle l’armée israélienne s’en est prise à la Flottille pour Gaza. Les commandos israéliens se sont rendus coupables, devant le monde entier, d’un acte de piraterie, et n’ont pas hésité à tirer à balles réelles sur des civils désarmés. La thèse de « l’opération d’arraisonnement qui a mal tourné » semble l’emporter. Avec un peu de recul, elle est pourtant plus que contestable. Les premières déclarations des officiels israéliens sont éloquentes. Danny Ayalon, vice-ministre israélien des Affaires étrangères, affirme que « l’armée a agi en état de légitime défense » et que les organisateurs de la Flottille « ont des liens avec les organisations terroristes internationales ». Ehud Barak, ministre (« travailliste ») de la Défense, explique qu’Israël n’a fait que « répondre à une provocation politique ». Le Premier ministre Netanyahu assure l’armée israélienne de son « soutien total ». En un mot comme en cent, les choses sont claires : le gouvernement israélien assume totalement le carnage. Pour celles et ceux qui suivent l’actualité de la question palestinienne, la violence de l’armée et la position des autorités israéliennes ne sont malheureusement pas une surprise. A-t-on oublié le passé ? A-t-on oublié la tragique situation du peuple palestinien ? A-t-on surtout oublié la nature du gouvernement israélien ? Le gouvernement israélien actuel a été caractérisé comme « le plus à droite de l’histoire d’Israël ». Y cohabitent la droite dure, l’extrême droite, les ultras religieux et les « travaillistes ». Le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, qualifié de « fasciste » par nombre de commentateurs israéliens, raciste notoire, y évolue comme un poisson dans l’eau. Ehud Barak, qui avait supervisé en tant que ministre de la Défense les massacres de Gaza en 2008-2009, y figure en bonne place. Peut-on attendre de ces sinistres individus autre chose que violence, haine et cynisme ? Ce gouvernement est entré en fonction, l’an passé, peu de temps après les tueries de Gaza, promettant d’adopter… une attitude plus ferme que ses prédécesseurs à l’égard des Palestiniens. Il est en fait la face la plus visible de la fuite en avant d’Israël dans sa guerre coloniale contre les Palestiniens, qui se traduit aujourd’hui par une répression systématique, une poursuite effrénée de la colonisation et une amplification de la ghettoïsation de la population palestinienne dans des enclaves en Cisjordanie et à Gaza. La Bande de Gaza, contre laquelle le gouvernement Netanyahu s’acharne en espérant la mettre à genoux, est très majoritairement peuplée de familles de réfugiés qui ont été expulsés de leur terre en 1947-1949. Ce petit bout de terre, berceau de la Première Intifada, bastion de la résistance armée, est un miroir qui renvoie l’image de la véritable nature d’Israël et des contradictions inhérentes au projet d’établissement d’un État juif en Palestine : l’expulsion, la répression et l’enfermement, consubstantielles à l’établissement et à la survie de l’État d’Israël, ne peuvent faire disparaître un peuple et ses aspirations. La radicalisation de la politique israélienne est l’expression de la nécessaire fuite en avant d’Israël face à ses contradictions : Israël est né de la négation des droits du peuple palestinien et ne peut dès lors survivre qu’en continuant de les nier, chaque jour avec davantage de violence. Il est donc essentiel d’aller au-delà de l’émotion et de comprendre : le sanglant assaut du 31 mai n’est pas un accident mais s’inscrit dans une logique d’ensemble. La légitime indignation suscitée par le massacre de la Flottille pour Gaza ne doit pas nous faire oublier que c’est à cette logique d’ensemble que nous devons nous opposer. Sans quoi d’autres massacres ne manqueront pas de se produire.
Gaza: une situation intolérable, un blocus inhumain
N’en déplaise à Israël et à nombre de ses défenseurs, le but de la Flottille pour Gaza n’était pas d’affronter les forces armées israéliennes. Sur le site du Free Gaza Movement, les objectifs sont clairs : « Nous voulons briser le siège de Gaza. Nous voulons réveiller la conscience internationale sur la fermeture de la Bande de Gaza qui est devenue comme une prison. Nous voulons pousser la communauté internationale à revoir sa politique de sanctions et à mettre fin à son soutien à la continuelle occupation israélienne ». Car oui, la Bande de Gaza est une véritable prison à ciel ouvert, dans laquelle une tragédie se déroule, depuis plusieurs années, dans un silence assourdissant. Gaza est soumise à un blocus inhumain, entamé en 2005 après le retrait-bouclage israélien, et renforcé en septembre 2007 lorsqu’Israël a déclaré la Bande de Gaza « entité hostile ». L’embargo est alors presque total, et un simple coup d’œil à la liste des produits interdits à Gaza permet de mesurer l’acharnement israélien : livres, thé, café, allumettes, bougies, semoule, crayons, chaussures, matelas, draps, tasses, instruments de musique… La situation se dégrade encore un peu plus après l’offensive de 2008-2009. En l’espace de deux ans, 95 % des entreprises ont fermé et 98 % des emplois du secteur privé ont été détruits. Les centrales électriques fonctionnent par intermittence. L’interdiction d’importer du ciment et de nombreux produits chimiques empêche la reconstruction des infrastructures détruites lors des bombardements, qu’il s’agisse des maisons ou des stations de traitement des eaux usées, avec les conséquences sanitaires que l’on imagine. Malgré la levée de quelques restrictions, autour de laquelle Israël fait beaucoup de publicité, la tragédie se poursuit. Les derniers chiffres de l’ONU indiquent que 70 % des Gazaouis vivent avec moins de 1 dollar par jour, que 80 % de la population dépend des aides alimentaires internationales, ou encore que plus de 60 % des habitants de Gaza n’ont pas accès à l’eau courante. Israël prétend que les produits humanitaires peuvent pénétrer à Gaza, mais a interdit tous ceux qui peuvent être « détournés à d’autres fins »… Selon les diverses estimations, 80 % de l’économie de Gaza dépend des tunnels souterrains qui relient l’Égypte (complice du blocus) et la Bande de Gaza. Le blocus contre Gaza est illégal au regard du droit international, et a été dénoncé par de nombreuses agences de l’ONU et ONG peu suspectes de parti pris. Cette punition collective, infligée à 1,5 million de personnes, s’inscrit au cœur de la politique israélienne : il s’agit de mettre les Gazaouis et leurs organisations politiques à genoux, et de les contraindre à se résigner à abandonner leurs droits et leur lutte. Les Palestiniens de Gaza n’ont pas renoncé, mais ils ont plus que jamais besoin d’un soutien international dans leur combat. Comme l’ont affirmé, au péril de leur vie, les passagers de la Flottille pour Gaza, le blocus doit immédiatement cesser !
Boycott, Désinvestissement, Sanctions!
L’acte ignoble perpétré au large de Gaza par l’armée israélienne souligne une fois de plus l’actualité de la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS). Devant la lâcheté de la « communauté internationale », c’est aux populations du monde entier d’agir afin d’isoler l’État d’Israël, d’en faire un État infréquentable. La Campagne BDS a été initiée en juillet 2005 par une coalition regroupant l’ensemble des forces politiques, sociales et associatives palestiniennes représentatives (172 organisations signataires). Cette coalition inclut les trois composantes du peuple palestinien : Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, Palestiniens d’Israël, réfugiés des camps de l’extérieur. Sa finalité est simple : développer une campagne internationale, populaire, de solidarité avec le peuple palestinien, autour d’axes, de mots d’ordre et de modes d’action très concrets. Il s’agit, à l’instar de ce qui s’était passé avec l’Afrique du Sud, de multiplier les pressions politiques, sanctions économiques et diplomatiques contre Israël tant que les droits des Palestiniens ne seront pas respectés. « Nous, représentants de la société civile palestinienne, invitons les organisations des sociétés civiles internationales et les gens de conscience du monde entier à imposer de larges boycotts et à mettre en application des initiatives de retrait d’investissement contre Israël tels que ceux appliqués à l’Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid. Nous faisons appel à vous pour faire pression sur vos États respectifs afin qu’ils appliquent des embargos et des sanctions contre Israël. Nous invitons également les Israéliens honnêtes à soutenir cet appel, dans l’intérêt de la justice et d’une véritable paix. Ces mesures de sanction non violentes devraient être maintenues jusqu’à ce qu’Israël honore son obligation de reconnaître le droit inaliénable des Palestiniens à l’autodétermination et respecte entièrement les préceptes du droit international. » La campagne BDS se décline principalement sous trois aspects :- boycott : à un niveau populaire, voire institutionnel (municipalités, par exemple), encourager le boycott des marchandises et produits fabriqués en Israël ; - désinvestissement : exiger des entreprises qu’elles cessent leurs investissements en Israël et/ou leurs partenariats économiques avec des entreprises israéliennes ;- sanctions : exiger des gouvernements qu’ils prennent des sanctions (diplomatiques, économiques...) contre Israël. Le NPA a décidé de s’inscrire dans la campagne BDS. Il s’agit en effet de se donner tous les moyens pour faire pression sur Israël, pour isoler l’État colonial, tant que les droits fondamentaux du peuple palestinien ne seront pas respectés. Plus que jamais, le BDS doit se poursuivre et se développer ! Plus d’informations sur www.bdsmovement.net et www.bdsfrance.org
Une longue liste de massacres
Les soutiens d’Israël s’obstinent à présenter l’armée de l’État sioniste comme « la plus morale du monde ». Et pourtant… Un simple coup d’œil dans les rétroviseurs permet de se rendre compte que l’assaut criminel perpétré contre la Flottille pour Gaza s’inscrit dans longue série de massacres impunis, parmi lesquels (la liste est loin d’être exhaustive) : - Deir Yassin, 9 avril 1948 les milices sionistes Lehi et Irgoun investissent le village palestinien de Deir Yassin. Ces deux groupes sont dirigés par deux futurs Premiers ministres d’Israël : Menahem Begin et Itzhak Shamir. Face à la résistance des Palestiniens, les milices se livrent à un véritable massacre : le village est rasé, les civils massacrés dans leurs maisons et les prisonniers exécutés un à un. Selon les sources, entre 120 et 250 morts. - Khan Younis, 3 novembre 1956 lors de l’offensive consécutive à la nationalisation, par Nasser, du Canal de Suez, l’armée israélienne occupe la Bande de Gaza, alors sous autorité égyptienne. La ville et le camp de réfugiés de Khan Younis sont le théâtre d’un nouveau massacre. D’après l’ONU, 275 morts. - Abbassieh, 17 mars 1978 durant l’invasion militaire du Sud-Liban, l’armée israélienne bombarde sans relâche le village d’Abbassieh. La population ne peut s’enfuir et plusieurs centaines d’habitants se réfugient dans la mosquée, qu’Israël bombarde à son tour. 125 morts, dont 80 dans la mosquée. - Sabra et Chatila, 16-17 septembre 1982 au lendemain de l’assassinat du chef de la milice phalangiste et nouveau président du Liban, Bachir Gemayel, l’armée israélienne occupe Beyrouth-ouest et encercle les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila. L’armée israélienne laisse entrer dans les camps des miliciens phalangistes, qui se livrent à une véritable boucherie. Une commission d’enquête israélienne établira la « responsabilité indirecte » des forces israéliennes et du ministre de la Défense de l’époque, Ariel Sharon. Selon les sources, de 1 000 à 3 000 morts. - Qana, 18 avril 1996 Israël bombarde une fois de plus le Sud-Liban, officiellement pour « contraindre le Hezbollah à un cessez-le-feu ». Le village libanais de Qana est pris pour cible par les avions israéliens : une fois de plus, les habitants n’ont aucune chance de s’enfuir. Plus de 100 morts. - Jénine, avril 2002 l’armée israélienne occupe la Cisjordanie et ratisse villes, villages et camps de réfugiés pour écraser la résistance palestinienne. Les Palestiniens du camp de Jénine opposent une farouche résistance aux troupes israéliennes, qui vont utiliser tanks, bulldozers, hélicoptères et mitrailleuses lourdes au cœur d’une zone ultra-densément peuplée. 52 morts. - Liban, juil.-août 2006 après un accrochage avec le Hezbollah au cours duquel trois soldats israéliens sont tués et deux autres capturés, les avions israéliens bombardent sans relâche le Liban durant 33 jours. 1 million de Libanais sont contraints de fuir. Plus de 1 million de sous-munitions sont larguées sur le Sud-Liban, ainsi que des bombes au phosphore. 1 300 morts. - Gaza, décembre 2008/ janvier 2009 durant trois semaines, l’armée israélienne mène une offensive sans précédent contre la Bande de Gaza. Bombardements, opérations au sol… La Bande de Gaza est totalement bouclée et les Palestiniens n’ont aucun refuge. Maisons, hôpitaux, écoles de l’ONU sont pris pour cible. Plus de 1 400 morts.
Grève générale dans les territoires occupés
À l’appel de l’Autorité palestinienne, trois jours de grève générale ont été déclarés dans l’ensemble des territoires occupés. Cela dit, l’entourage du président Mahmud Abass n’a pas annoncé un gel des négociations indirectes concoctées par l’administration américaine, alors que c’est le minimum qu’attend la majorité de la population de ces territoires de la part de celui qui reste, jusqu’à nouvel ordre… et à la date indéterminée des prochaines élections, son président.
La colère des palestiniens d’Israël
Manifestations massives, confrontations de jeunes avec la police – la population palestinienne d’Israël n’est pas en reste dans l’indignation qui traverse l’ensemble du monde musulman et au-delà. En particulier dans la ville d’Um el Fahem dont l’ancien maire, le Cheikh Raed Salah, a été blessé puis arrêté sur le Marmara. La grève générale est largement suivie et l’on attend ce samedi des manifestations de masse dans toutes les villes palestiniennes d’Israël. La police a reçu l’ordre de maintenir à tout prix les axes routiers ouverts, mais de permettre aux habitants de manifester au sein de leurs localités.