Publié le Mercredi 8 mars 2023 à 17h00.

Israël/Palestine : un gouvernement d’extrême droite pyromane

Les réflexions du journaliste israélien Meron Rapoport une semaine après l’attaque des colons contre le village de Huwara, à proximité de Naplouse.

Quelques jours avant le pogrom [de Huwara], le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, s’est vu confier la pleine autorité sur la plupart des éléments de la vie quotidienne en Cisjordanie, y compris la planification, la construction et les infrastructures, devenant ainsi le gouverneur général des territoires occupés. Smotrich appelle cette réforme la « citoyenneté égale », mais il a clairement indiqué que l’« égalité » ne s’applique qu’aux citoyens israéliens, c’est-à-dire aux colons juifs vivant en Cisjordanie. En Afrique du Sud, on appelait ce régime de suprématie blanche l’apartheid. En Israël, la suprématie juive est appelée « citoyenneté égale ». On ne peut nier que Smotrich a le sens de l’humour.

Une annexion formelle ?

Le transfert de l’autorité sur un territoire sous occupation militaire à un ministre civil a été décrit à juste titre comme une annexion formelle. Mais aux yeux de Smotrich, et aux yeux du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, l’annexion est une vieille histoire. « Appliquer la souveraineté » — l’euphémisme de la droite pour annexer la Cisjordanie — peut inclure l’octroi de certains droits, notamment le droit de vote, aux Palestiniens annexés. Mais cela n’a jamais été l’agenda suprémaciste juif.

Ce que veulent Ben Gvir et Smotrich, ce n’est pas la « souveraineté » sur les Palestiniens ; ils veulent mettre fin au conflit une fois pour toutes avec une victoire israélienne. Smotrich a exposé cette vision dans son « Plan décisif » de 2017, qui proposait aux Palestiniens de choisir entre l’apartheid ou la Nakba [l’expulsion]. Ben Gvir a passé sa jeunesse dans le mouvement kahaniste Kach, qui prône officiellement l’expulsion des Palestiniens et la révocation de la citoyenneté de toute personne qui n’accepte pas Israël comme un « État juif. »

Ce programme d’extrême droite visant à « résoudre le conflit » a joué un rôle de premier plan dans la campagne électorale du Parti du sionisme religieux de Smotrich. Ben Gvir a déclaré qu’il allait « ramener la souveraineté », « rétablir l’ordre » dans les villes dites mixtes et montrer aux Arabes qui est le véritable « seigneur de la terre ». Le succès électoral de la liste a révélé à quel point l’extrême droite est puissante et populaire. Netanyahou, avec sa politique de « gestion du conflit » et d’annexion rampante, est l’homme du passé.

En finir avec les PalestinienEs

La politique visant à mettre les Palestiniens au pas est désormais intégrée à un autre objectif du nouveau gouvernement : éliminer les éléments libéraux de la société juive israélienne, au premier rang desquels la Cour suprême. Ben Gvir et Smotrich ont un penchant particulier pour l’oppression et l’humiliation de la communauté LGBT, ainsi que pour la vengeance contre ce qu’ils considèrent comme la « gauche ». Mais à leurs yeux, ces combats sont secondaires. Ils ont besoin d’écraser la Cour suprême — qu’ils considèrent comme le dernier bastion de défense des minorités en Israël — afin d’ouvrir la voie à ce qui est vraiment important pour eux : abattre les Palestiniens pour de bon.

Ce qui s’est passé à Huwara fait non seulement écho aux projets des plus hauts responsables du gouvernement, mais est aussi la poursuite directe des mesures très concrètes qu’ils ont prises pour nous amener là où nous sommes aujourd’hui. Mais, à l’instar de leurs projets de réforme judiciaire, les pogroms et la violence pourraient très bien se retourner contre eux et entraîner la chute du gouvernement.

Traduction J.S.

Version intégrale (en anglais) sur http://972mag.com.