Depuis 2 mois, le conflit de Kraft est en Argentine un élément central du combat des exploités contre le patronat, le gouvernement et la domination impérialiste.
Cette grève a connu d’importants développements, marqués par l’organisation ouvrière à la base, l’occupation des lieux de travail, la mobilisation populaire dans les rues de Buenos Aires, la solidarité active des étudiants, la présence des piqueteros. Elle montre aussi l’apparition et la consolidation d’un nouveau syndicalisme et a ouvert un débat sur le rôle des organisations politiques.
La mobilisation avait comme revendication l’annulation des licenciements décidés par les patrons et la réintégration de tous les délégués syndicaux. La combativité a redoublé après la répression du vendredi 25 septembre quand la police a délogé les ouvriers de l’usine occupée et suite à l’intervention directe de l’ambassade nord-américaine.
Kraft est la seconde multinationale du secteur agroalimentaire derrière Nestlé. L’usine de General Pacheco, dans la banlieue Nord de Buenos Aires, est la principale unité agroalimentaire d’Argentine. L’entreprise essaie par le biais de ces licenciements de se débarrasser des syndicalistes combatifs qui, au sein de l’usine, mènent un combat très dur en défense des droits des travailleurs. Kraft comme l’ensemble de la bourgeoisie demandent une politique de surexploitation comme réponse à la crise. Dans cette usine, le patronat s’est refusé a toute mesure de protection contre la grippe A et a annoncé l’intention de passer d’un régime de « trois-huit » à un autre de « deux-douze heures ».
La grève et la mobilisation ont imposéàKraft et au gouvernement la voie de la «négociation ». Les délègues syndicaux sont revenus àl’usine par décision de la justice et on a proposé finalement un « accord » qui décrète la « paix sociale » et maintient plus de 100 licenciements.
C’est la conduite typique d’un gouvernement appelé « progressiste », qui négocie au même temps l’appui du FMI du capital financier et mène une politique de cooptation étatique du mouvement ouvrier à travers la collaboration des directions syndicales bureaucratiques et pourries.
La lutte a étémenée par la «comisión interna », le comitéqui représente les ouvrier(e)s de l’usine.
Ce comité (11 membres) résulte d’un long affrontement entre les délégués de la base et la direction du syndicat. Le conflit est aussi politique. Le secrétaire du comité adhère au PCR (maoïste) et un des délégués les plus combatifs adhère au PTS (Partido de los Trabajadores Socialista, trotskiste). Daer, secrétaire général du syndicat de l’alimentation, a toujours parlé de son combat contre l’ »ultragauche » au nom du péronisme.
Mais l’accord proposé par les patrons et le gouvernement a divisé le comité d’usine. Le secrétaire était favorable à son adoption et il a pu passer grâce à ce recul. On peut dire que les forces conjuguées de l’Etat et du capital ont réussi à imposer ses conditions, mais seulement en partie.
La lutte de Kraft a permis de limiter les effets de la politique capitaliste et aussi d’affirmer une nouvelle couche de militants ouvriers. Le mardi 3 novembre après l’imposition de la « paix sociale » et la division du comité d’usine, on a réalisé l’élection d’un nouveau comité. Les conditions étaient très dures, à commencer par l’exclusion des licenciés. 3 listes se sont présenté : celle du secrétaire général, celle de la bureaucratie et celle du secteur combatif. C’est cette dernière qui a eu la majorité. C’est une victoire qui montre une tendance de fond de l’évolution du mouvement ouvrier argentin et de la lutte de classes.
Le Parti Ouvrier et le PTS ont joué un rôle énorme dans la grève et la mobilisation populaire dans la ville de Buenos Aires, au point de faire de Kraft une cause nationale. C’est aussi une avancée dans la jonction entre les organisations politiques de la classe ouvrière opposée au gouvernement et la lutte anticapitaliste de tous les jours dans les usines et les quartiers.
Marcelo Nowersztern