L’orientation officielle du gouvernement français en ce qui concerne l’Afghanistan est celle de «l’afghanisation », c’est-à-dire le passage progressif du pouvoir à des forces afghanes qui seraient bien sûr fidèles aux exigences des puissances occidentales. Cette voie est pourtant un échec complet. Alors que la farce électorale de cet automne a fait perdre toute crédibilité à Hamid Karzaï, un rapport de l’ONU publié en octobre affirme que « 60 % des députés afghans sont liés à des personnes ayant un intérêt dans le trafic d’opium ».
La résistance afghane, composée d’une multitude de groupes, aurait désormais une présence active sur 80 % du territoire contre 54 %, il y a deux ans, tandis que des zones entières sont, de fait, administrées directement par des forces opposées à l’occupation. C’est l’impasse de cette voie qui a motivé la décision d’Obama (prix Nobel de la paix !) d’augmenter massivement les troupes d’occupation. Avec près de 40 000 soldats supplémentaires, les troupes d’occupation auront doublé depuis l’arrivée d’Obama à la tête de l’administration US. Sarkozy a qualifié cette décision de « courageuse et lucide ». On passera sur le courage qu’il y a à expédier des troupes sur-armées massacrer des populations, car en la matière, le gouvernement français a battu des records en renvoyant des réfugiés afghans dans leur pays. Mais lucide ? Alors que cette période a déjà été la plus meurtrière depuis le début de l’occupation à la fois pour la population afghane et pour les troupes d’occupation, un des objectifs des nouvelles troupes, le sud-ouest de l’Afghanistan, risque d’amplifier la propagation du conflit au Pakistan. IL y a quelques semaines, tout le monde célébrait la chute du Mur de Berlin, en occultant justement le rôle que joua l’Afghanistan. Il aurait été gênant de faire remarquer que la défaite des troupes russes face à la résistance afghane, forcées de se retirer d’un pays qu’elles ont occupé pendant dix ans (1979-1989), a joué un rôle dans l’écroulement de l’empire soviétique. Incapable de contrôler le pays en s’appuyant sur ses alliés afghans, le régime avait adopté la même stratégie qu’Obama en augmentant massivement ses troupes et le caractère militaire de son intervention. L’Afghanistan est en train de devenir une véritable bombe pour les puissances de l’Otan, dont la France. Un sondage réalisé les 3 et 4 décembre pour Sud-Ouest Dimanche révèle que 82 % des sondés sont opposés à l’envoi de troupes françaises supplémentaires en Afghanistan. La question afghane s’était invitée dans la campagne électorale de cet automne en Allemagne contribuant à la percée de la gauche radicale. Il faut faire descendre les sondages dans la rue, construire un mouvement de mobilisations pour imposer le retrait des troupes d’occupation d’Afghanistan. Pour rouvrir la possibilité d’un avenir à la population afghane et parce qu’un tel mouvement serait susceptible d’ouvrir une crise politique majeure pour Sarkozy à rebours des thématiques de l’identité nationale. Denis Godard