Publié le Vendredi 17 septembre 2021 à 08h00.

La crise sanitaire en Italie se poursuit, les réactionnaires à l’offensive

La situation italienne se caractérise par la persistance de la pandémie (et par sa gestion par le gouvernement) et par loffensive des forces patronales contre les classes travailleuses sur le terrain de lemploi et des salaires pour concrétiser les projets de restructuration industrielle du « Recovery Plan » (plan de relance).

Sur la pandémie, le bilan des deux gouvernements (Conte et Draghi) qui se sont succédé au cours des deux dernières années est totalement négatif, soit parce que les « zones rouges » n’ont pas été mises en place à temps, soit parce que l’on a abandonné trop tôt les fermetures et que l’on a remis en service petit à petit toutes les activités productives pour garantir le reprise des profits, mais aussi parce que l’on n’a pas pris les mesures nécessaires pour remettre en état la santé, l’école, les transports, en grande partie détruits par les coupes budgétaires des années précédentes.

Le premier des « No Vax », c’est le gouvernement

Aujourd’hui, la mise en place et la gestion du « Green Pass » sont utilisées par le gouvernement pour tenter de décharger sur la responsabilité individuelle de chacunE d’entre nous le désastre produit par sa politique, et de permettre aux capitalistes de disposer de nouveaux moyens de chantage contre les travailleurEs.

La rhétorique du gouvernement et des médias sur la « sécurité » est une pure hypocrisie parce qu’à cause de la précarité, de l’augmentation ininterrompue des cadences, de la suppression par les patrons des mesures de sécurité, des travailleurEs perdent la vie, tous les jours, sur leur lieu de travail.

Le premier des « No Vax », c’est le gouvernement et son action contradictoire, avec l’impossibilité pour un million de migrantEs d’obtenir le vaccin, et le choix partagé avec les autres gouvernements européens de sauver les profits de Big Pharma en empêchant la levée des brevets et donc l’accès aux vaccins pour la majorité de la population mondiale.

Par ailleurs, la quasi totalité des personnels de la santé et de l’éducation a été vaccinée et le pourcentage de l’ensemble de la population ayant déjà reçu la seconde dose est très élevé.

Les réactionnaires dans la rue

Dans cette situation, il ne doit y avoir aucune équivoque par rapport aux manifestations « No Vax »: ce sont des manifestations où s’expriment des idéologies réactionnaires, défendant de fausses libertés individuelles, alors que sont radicalement niées les libertés collectives et une vision solidaire de la société et y compris, donc, les droits individuels et, d’abord, le droit à la vie ; elles sont organisées par des forces d’extrême droite ou directement fascistes, avec le soutien plus ou moins masqué des autres forces de la droite ; les participants viennent surtout des secteurs sociaux de la petite ou moyenne bourgeoisie, en particulier du secteur du commerce et de la restauration, caractérisés par un profond individualisme. La présence de forces d’extrême gauche se faisant des illusions sur les avantages qu’elles pourraient retirer de ces manifestations est tout à fait marginale.

Les principales forces de la gauche radicale mènent au contraire à la fois une campagne de dénonciation des politiques gouvernementales et une campagne pour la garantie de l’accès aux vaccins pour toutes et tous, y compris les migrantEs ; elles participent aussi activement à la campagne européenne « Pas de profit sur la pandémie » qui demande la levée des brevets sur les vaccins.

Luttes dans les entreprises

Venons-en à notre second point : le 30 juin, le gouvernement a mis fin au gel des licenciements (qui n’avait quand même pas empêché qu’un million de personnes perdent leur emploi), honteusement accepté par les directions des grandes centrales syndicales, et on assiste à un renforcement de l’offensive patronale contre le travail : beaucoup d’entreprises ont décidé de fermer et de délocaliser leurs productions. Parmi elles, le GKN Florence1 – qui occupe plus de 500 travailleurs et dont les productions alimentent le groupe Stellantis2.

Cette entreprise appartient à Melrose, un fonds d’investissement britannique qui a décidé de la fermer alors qu’elle est technologiquement avancée et qu’elle n’est absolument pas en crise. Les travailleurEs, faisant preuve d’un niveau exceptionnellement élevé de conscience syndicale, n’ont pas cédé, n’ont pas seulement demandé des garanties sociales mais ont occupé l’usine en appelant à la tenue d’une assemblée générale permanente ; ils ont revendiqué la réouverture de l’établissement – en disant tout de suite qu’ils étaient capables de faire redémarrer la production – le refus de tout licenciement et le maintien de tous les droits acquis. En affrontant le gouvernement et la Confindustria3, ils se battent pour une vraie loi contre les délocalisations et ils ont rédigé leur propre projet de loi. Ils ont su s’attirer une forte solidarité dans toute la Toscane, mais aussi au niveau national. Leur appel, « Insorgiamo ! »4, qui reprend la devise de l’insurrection de la Résistance de Florence5, est adressé aux travailleurEs de toute l’Italie : insurgeons-nous, toutes et tous, pour défendre les droits du travail, pour récupérer les droits qu’ils sont en train de nous enlever. Cette lutte est devenue un fait politique national et elle connaîtra, le samedi 18 septembre, un nouveau moment décisif avec la manifestation nationale de Florence.

Les syndicats de base, à leur tour, préparent pour le 11 octobre une grève nationale sur une plate-forme de défense de l’emploi, des salaires, des droits sociaux. La victoire espérée de la GKN et la réussite de la journée du 11 octobre peuvent modifier dans un sens positif les rapports de forces entre les classes, dans une situation qui, globalement, reste très difficile pour les classes travailleuses.

Traduction de Bernard Chamayou.

  • 1. Composants automobiles.
  • 2. Groupe automobile résultant de la fusion du groupe PSA et de Fiat Chrysler Automobiles.
  • 3. Medef italien.
  • 4. « Insurgeons-nous ! »
  • 5. Le 11 août 2021, jour où Florence a célébré le 77e anniversaire de la Libération du nazisme-fascisme, les ouvriers du GKN et l’Association régionale des Partisans ont manifesté ensemble sur la place centrale de la ville (note du traducteur).