Le choix de Lagarde pour le FMI a été entériné. On peut parier que les peuples, comme celui de Grèce, n’en tireront pas bénéfice.
Christine Lagarde a été désignée directrice générale du Fonds monétaire international le jour même où commençait la grève générale de 48 heures en Grèce contre le plan de rigueur imposé au pays par ce dernier. Première femme à accéder à ce poste, elle a inscrit sa candidature « dans le courant de réformes initiées par le précédent directeur général » du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Tout un programme associant droite et gauche contre les travailleurs et les peuples.
Une « victoire pour la France » selon l’Élysée, une « profonde satisfaction » pour Juppé, « immense fierté » pour Bernard Accoyer, les cocoricos d’autosatisfaction n’ont pas manqué pour saluer la promotion de cette ministre des riches qui s’était rendue célèbre pour avoir invité les Français à faire du vélo face à la hausse du prix de l’essence. Toute sa carrière ne peut qu’inspirer une solide confiance à ceux qui l’ont choisie. Avocate au Barreau de Paris dans les années 1980, elle poursuit son ascension dans un cabinet juridique international de Chicago (4 400 employés dans 35 pays), l’une des premières firmes d’avocats au monde. Elle parvient à la tête du groupe, un poste à 600 000 dollars par an. En juin 2005, elle entre au gouvernement Villepin, comme ministre déléguée au Commerce extérieur. Sarkozy la nomme au ministère de l’Agriculture, puis, en juin 2007, au ministère de l’Économie.
Cette brillante ascension subjugue Martine Aubry qui voit dans sa nomination « une bonne chose pour notre pays et pour l’Europe » ! François Hollande reste plus mesuré : « Christine Lagarde est une Française, elle a des qualités. Je devrais donc me féliciter mais elle n’est pas de la même orientation que son prédécesseur et il faut qu’elle comprenne qu’elle n’est plus ministre de Nicolas Sarkozy […] Je lui dis : ‘‘travaillez avec le souci de la continuité’’». Si on en croit Lagarde elle-même, Hollande se fait du souci pour rien. Sa nomination est d’ailleurs surtout due à l’accord tacite avec les USA qui, depuis 1946, laissent le FMI aux Européens en gardant la main sur la Banque mondiale. Et cela d’autant que la nouvelle phase de la crise mondiale se concentre sur l’Europe. Faire payer les peuplesLe FMI a retrouvé un rôle de prépondérant pour orchestrer les plans de sauvetage des banques et imposer aux peuples d’en payer la note. Christine Lagarde a montré son zèle sur cette question, refusant jusqu’alors toute politique de rééchelonnement de la dette grecque, les banques françaises y étant les plus exposées (environ 65 milliards d’euros). « Si j’ai un message à faire passer ce soir concernant la Grèce, c’est un appel à l’opposition politique grecque pour qu’elle rejoigne dans une entente nationale le parti qui est actuellement au pouvoir. Il y va vraiment du destin d’un pays », a-t-elle déclaré le jour de sa nomination et de la grève générale en Grèce. En continuité avec Strauss-Kahn, l’union nationale droite-gauche contre les travailleurs.
Une politique qui a du mal à convaincre les peuples arabes que l’aide du FMI aurait d’autres objectifs que de permettre aux banques occidentales de garder la main sur eux pour continuer le pillage de leurs richesses. Quant aux réformes que Christine Lagarde s’est engagée à poursuivre, elles visent à associer la Chine et les nouvelles puissances économiques que sont le Brésil ou l’Inde à la « gouvernance mondiale » des grandes puissances capitalistes. « Le FMI, écrit-elle, a beaucoup à faire : une reprise mondiale inégale, des déséquilibres mondiaux qui s’aggravent de nouveau, le risque de déstabilisation lié aux flux de capitaux, le chômage élevé, la hausse de l’inflation et des dossiers difficiles dans certains pays », la liste des facteurs d’aggravation de la crise globale est longue… Une crise que le FMI aggrave en n’ayant d’autre réponse que d’accentuer l’exploitation des peuples. Christine Lagarde a de toute évidence le profil du poste. Les « abus de pouvoirs sociaux » lui sont familiers. Une enquête judiciaire est en cours contre elle et deux de ses collaborateurs pour avoir exercé des pressions en faveur de Bernard Tapie dans le litige l’opposant au Crédit lyonnais sur la cession d’Adidas en 1993, permettant à ce dernier de toucher 285 millions d’euros dont une indemnité de 45 millions au titre du préjudice moral !
Yvan Lemaitre