Publié le Vendredi 16 mai 2025 à 08h00.

Le Cachemire ou l’état de guerre entre Inde et Pakistan

À la suite d’une opération militaire menée par un groupe armé religieux contre des touristes indiens dans la partie orientale du Cachemire, le gouvernement Modi a lancé des attaques aériennes contre le Pakistan, suivi de nombreux échanges d’artillerie. Un cessez-le-feu instable a été décrété, chaque camp criant victoire. Tant que le droit à l’autodétermination des Cachemiris ne sera pas reconnu, il n’y aura aucune solution durable à une crise régionale qu’instrumentalisent bien des pouvoirs établis, étatiques ou non.

Qui est le groupe armé fondamentaliste qui a mené l’opération terroriste du 22 avril, à Pahalgam, au Cachemire sous occupation indienne, faisant 26 victimes ? L’Inde dénonce le Lashkar-e-Taiba, ce qui lui permet de mettre directement en cause Islamabad, le LeT étant lié à l’armée pakistanaise. Rien n’indique cependant que ce soit le cas. 

Une bonne partie des formations fondamentalistes basées au Pakistan, qui avaient été encadrées par les services du renseignement militaire (Inter-Service Intelligence, ISI), ont pris leur autonomie, poursuivant dorénavant leurs propres objectifs. Quant aux Talibans afghans, ils arment lourdement les Talibans pakistanais (le Tehreek Taliban Pakistan, TTP)… qui combattent les militaires et contrôlent une partie du territoire. 

Il est, de plus, très possible que les auteurs de l’attaque de Pahalgam soient en fait eux-mêmes des Cachemiris, ce que semblerait confirmer leur armement rudimentaire. Le régime militaire imposé par l’Inde au Jammu-et-Cachemire est particulièrement brutal. Il s’accompagne d’une marginalisation religieuse, économique et sociale de la population locale confrontée. Une situation qui ne peut que susciter la révolte.

Modi ou « l’hindouisation » illibérale du régime

L’Inde a pris l’initiative de l’escalade militaire en engageant, le 7 mai, l’opération Sindoor, l’aviation et les drones s’attaquant à des bases militaires, des écoles religieuses (madrasas) et des mosquées dites fondamentalistes au Cachemire sous occupation pakistanaise et, au-delà, au Pakistan même. La responsabilité première du gouvernement Modi est aujourd’hui clairement engagée, même si de façon générale cette responsabilité est partagée par les élites au pouvoir des deux pays depuis la sanglante partition imposée dans le sous-continent par les Britanniques en 1947. Les ­conséquences de la politique impériale du « diviser pour régner » se font toujours sentir, mais essentiellement parce que les élites au pouvoir les ravivent en permanence.

L’armée pakistanaise est très impopulaire depuis qu’elle a jeté en prison son protégé d’hier, Imran Kahn, qui était devenu trop puissant. L’état de guerre lui permet d’appeler à l’union nationale, sans grand succès semble-t-il. Narenda Modi veut, pour sa part, finaliser le processus d’« hindouisation » illibérale du régime. Il se prépare à d’importantes échéances électorales et attise la « haine antimusulmane » contre son voisin mais aussi contre l’importante ­communauté musulmane d’Inde. Les chrétiens sont aussi la cible des fondamentalistes hindouistes tenants de l’Hindutva.

Droit à l’autodétermination des Cachemiris

L’Inde a réalisé son premier test nucléaire en 1974, et le Pakistan en 1998. Une guerre a éclaté en 1999, une autre aujourd’hui, confirmant, à l’instar de ce qui se passe en Europe, que le fameux « équilibre de la terreur » n’empêche pas le déclenchement de meurtrières guerres traditionnelles. Un élément de plus pour exiger le désarmement nucléaire international.

Pour l’heure, le gros des forces de gauche et pour la paix au Pakistan a gardé son indépendance politique, dénonçant l’attaque terroriste de Pahalgam, appelant au cessez-le-feu et à une solidarité régionale internationaliste. En revanche, en Inde, les principaux partis de gauche (CPI, CPM…) ont répondu présents à l’appel à l’union nationale du régime Modi et de l’armée. Une question d’autant plus cruciale que la question du droit à l’autodétermination des Cachemiris, qui vivent sous divers régimes d’occupation (pakistanais, indien, chinois), doit être posée sans détour.

Pierre Rousset