Publié le Vendredi 25 octobre 2024 à 08h00.

Le débat électoral tourne désormais autour du fascisme

Le fascisme est devenu un thème central de l’élection présidentielle américaine, en grande partie à cause des récentes déclarations de Donald Trump selon lesquelles il utiliserait l’armée pour supprimer « l’ennemi intérieur » composé de « fous radicaux de gauche ». 

Il fait ici référence à sa rivale Kamala Harris, qu’il a qualifiée à plusieurs reprises de « folle de gauche radicale ». Il a également qualifié d’« ennemi intérieur » le député démocrate Adam Schiff, qui a mené le premier procès en destitution de Trump et qui est aujourd’hui candidat au Sénat.

Trump et l’usage de l’armée

Interrogé lors d’une interview télévisée sur la possibilité que le processus électoral soit perturbé par des agitateurs extérieurs, Trump a répondu : « Je pense que le plus gros problème est l’ennemi de l’intérieur. Nous avons de très mauvaises personnes. Nous avons des malades, des fous de la gauche radicale ». Mais, a-t-il ajouté, « cela devrait être très facilement géré, si nécessaire, par la Garde nationale ou, si c’est vraiment nécessaire, par l’armée, parce qu’ils ne peuvent pas laisser cela se produire ».

Plusieurs commentateurs ont souligné que l’utilisation de l’armée pour réprimer les opposantEs politiques ressemble à ce que nous appelons le fascisme. Et pour beaucoup, il ne fait aucun doute que l’utilisation de ce pouvoir contre les citoyenNEs américainEs semble aller au-delà des déclarations antérieures de Trump selon lesquelles il utiliserait la police et la Garde nationale pour rassembler les immigrantEs et les placer dans des camps de concentration, puis les expulser.

La remarque du général Mark A. Milley, ancien président de l’état-major interarmées sous Trump, selon laquelle l’ancien président était « fasciste jusqu’au bout des ongles », comme le raconte le célèbre journaliste américain Bob Woodward dans son nouveau livre, a également contribué à cette discussion. Harris a elle-même cité la déclaration de Milley et, à d’autres occasions, convenu que Trump pouvait être qualifié de fasciste. Le président Joe Biden avait déjà qualifié le mouvement de Trump de « semi-fasciste » en 2022.

Confusion pour les électeurEs

L’affirmation selon laquelle Trump est un fasciste pourrait toutefois ne pas émouvoir de nombreux électeurEs américainNEs. La lutte des États-Unis contre les fascistes de Benito Mussolini et les nazis d’Adolf Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale est désormais de l’histoire ancienne. SeulEs les 1 % à 2 % d’AméricainEs âgés de plus de 85 ans ont un souvenir direct de ces événements. De plus, le peuple américain a une connaissance notoirement vague de l’histoire et la plupart n’ont jamais réfléchi à la question du fascisme et à sa signification. Pendant des années, les politiciens et la presse ont considéré que qualifier quelqu’un de fasciste était de mauvais goût, alors que, pour la population en général, qualifier quelqu’un de fasciste signifiait simplement qu’il était mauvais.

La situation est également compliquée par le fait que Trump a régulièrement traité Kamala Harris de « marxiste, communiste, fasciste, socialiste ». Le colistier de Trump, le sénateur J.D. Vance, a déclaré que les affirmations de la démocrate selon lesquelles Trump est un autoritaire ou un fasciste sont à l’origine des deux tentatives d’assassinat dont il a fait l’objet.

Le fascisme : un mot qui ne clarifie rien

La gauche n’a pas toujours aidé à clarifier le fascisme. Dans les années 1960 et 1970, les ­gauchistes ont eu tendance à utiliser le mot sans discernement : les racistes du Sud étaient fascistes, la guerre du Vietnam était fasciste, le maire de Chicago de 1989 à 2011, Richard Daley, était fasciste, et pour certainEs, le système politique américain tout entier était fasciste. Pendant quarante ans, le parti communiste et les groupes maoïstes ont déclaré à chaque élection présidentielle que le candidat républicain était un fasciste et qu’il fallait voter démocrate.

Aujourd’hui, dans des groupes comme les Socialistes démocrates d’Amérique (DSA), dont de nombreux membres ont été à l’université, il y a des débats sur le fascisme. Le magazine Jacobin, par exemple, a publié en 2019 une interview d’Enzo Traverso sur son livre Les Nouveaux Visages du fascisme et sa théorie du « post-fascisme » pour expliquer des gens comme Trump. Dans les petites organisations socialistes et anarchistes d’extrême gauche, il y a des discussions sérieuses et pratiques. Et des journaux électroniques populaires comme Truthout ont publié de nombreux articles. Pourtant, pour la plupart des AméricainEs, le mot fascisme ne clarifie rien.

Si Trump est élu, ce qui est tout à fait possible, et qu’il s’avère être le fasciste que nous croyons qu’il est, nous serons à la fois théoriquement et pratiquement non préparéEs.

Dan La Botz, traduction par la rédaction