Publié le Mercredi 13 mars 2024 à 12h00.

Le fiasco électoral du régime islamique en Iran

Deux élections au suffrage universel ont eu lieu le 1er mars. La première pour élire l’Assemblée législative ; la seconde pour choisir les 88 « experts » religieux ayant essentiellement pour mission de désigner le prochain Guide suprême à vie, la plus haute autorité de la République islamique.

 

Comme le prévoit le système électoral, toutes les candidatures avaient été préalablement sélectionnées par le pouvoir en place.

Des chiffres records d’abstention et de votes nuls

Après une campagne électorale morne, passée pratiquement inaperçue, tout le monde attendait de savoir combien de personnes allaient participer à ces élections truquées, censées apporter un minimum de légitimité au régime.

Selon les chiffres officiels, le taux de participation global a été de seulement 41 %. Même si ce chiffre apparaît bien exagéré, vu le vide constaté dans les bureaux de vote, c’est le taux le plus faible de toute l’histoire de la République islamique. De plus, la participation a été inférieure à 30 % dans toutes les grandes villes, dont Téhéran avec 20 % de participation.

Par ailleurs, un nombre très élevé de bulletins avaient été délibérément invalidés par avance par des électeurEs qui avaient, par exemple, écrit des insultes dessus. Résultat, le grand vainqueur de ces élections, ce sont, de loin, les non-votants et les bulletins ­invalidés.

Et tout cela malgré l’intense publicité de dernière minute menée par le Guide et les chefs de son bras armé (Pasdaran), incitant « le peuple musulman » à faire un « Jihad électoral ». L’évidence de cette défaite est telle que seul Khamenei (le Guide suprême actuel) a osé se ridiculiser en déclarant que « malgré tous les efforts des ennemis de l’islam et l’Iran », les Iraniens ont accompli le Jihad !

Les luttes de clans au sein du régime

Contrairement à ce qu’espéraient nombre de « réformateurs », le Guide en place et son entourage, qui sont les vrais détenteurs du pouvoir, avaient décidé de restreindre encore plus le nombre de candidatures autorisées. Ils n’ont validé que celles étant « fusionnelles avec le Guide suprême ».

Dès le début de la campagne électorale, l’ex-Premier ministre Moussavi avait appelé au boycott. Parmi les nombreuses candidatures invalidées figurait notamment Hassan Rohani, président de la République islamique entre 2013 et 2021, jugé ­insuffisamment ferme.

De son côté, l’ex-Président Khatami avait essayé dans un premier temps « d’offrir » ses services à l’équipe en place. Mais devant le refus catégorique du Guide actuel de valider, ne serait-ce qu’une petite partie des candidats de ce clan, Khatami a finalement décidé de « ne pas voter personnellement », sans pour autant appeler au boycott.

L’impopularité maintenue du régime

Elle s’est exprimée d’abord et avant tout lors du puissant mouvement de 2022-2023 initié par les femmes. Le soutien populaire au soulèvement s’était étendu bien au-delà des couches sociales habituellement en conflit avec le régime, exprimant le dégoût généralisé des gens ordinaires.

Le régime avait décidé de « ne pas reculer » devant les demandes sociales, politiques et civiques, exprimées par les centaines de milliers de manifestantEs et les millions de personnes les soutenant. Une répression implacable s’est abattue sur le pays.

Ce soulèvement, et la façon dont le pouvoir y a répondu, a encore davantage rétréci l’assise sociale du régime. Celui-ci n’a jamais été autant contesté et détesté.

Relancer et intensifier la répression est un mot d’ordre central du pouvoir depuis la baisse de la contestation politique populaire à la suite de la férocité de la répression. Malgré cela, les mouvements de grève et de contestation sociale, ont peu à peu, retrouvé leur robustesse d’avant l’épidémie de Covid-19.

L’indispensable solidarité internationale

Des milliers de personnes sont toujours emprisonnées pour leur engagement militant. Il est urgent d’agir pour obtenir leur libération. Parmi eux/elles, trois syndicalistes des transports en faveur desquels cinq centrales syndicales françaises sont récemment intervenues auprès du Guide suprême1.

Berouse Farahany est militant de SSTI (http://www.iran-echo.com)