Initialement approuvé par le Parlement, le projet de loi contre l’homophobie a été rejeté par le Sénat qui, à la demande des deux partis d’extrême droite (La Lega et Fratelli d’Italia), a voté la « tagliola » (le couperet) mettant à l’arrêt l’examen du texte.
La décision a généré une vague de protestations dans tout le pays. Les organisateurs de la Pride parlent d’une véritable trahison et déplorent le primat accordé aux jeux politiciens sur les droits et la vie des personnes.
Des institutions hors du temps
Le vote galvanise l’extrême droite de Matteo Salvini (La Lega) et de Giorgia Meloni (Fratelli d’Italia) ainsi que leurs alliés, Silvio Berlusconi et Matteo Renzi (Italia Viva). Sorti du Parti Démocrate, ce dernier essaie d’occuper un espace à droite. Le calcul de Renzi semble être lié à un jeu d’alliances en vue de l’élection du président de la République. Afin de cacher les accords internes, le vote s’est tenu en secret.
C’est l’énième démonstration de l’écart qui se creuse de plus en plus entre les institutions et la société civile. En boucle sur le web, le drapeau arc-en-ciel des Måneskin1, applaudis au Bowery Ballroom de New York, et l’exultation honteuse des sénateurs ayant enterré le projet de loi Zan, semblent symboliser le fossé entre ces deux mondes inconciliables. Attendue depuis plus de 20 ans, la loi Zan2 aurait constitué un tout « premier pas vers une loi sur l’autodétermination du genre », selon les mots des organisations LGBTI qui se sont mobilisées dans plus de 48 villes en rassemblant à chaque fois des dizaines de milliers de personnes.
Nos vies, pas leurs jeux de pouvoir
Selon la présidente de l’Arcigay, « le projet de loi Zan abordait des points importants comme la formation et l’acceptation de la diversité dans les différentes sphères de la vie sociale. » Actuellement, en Italie, il n’y a pas de centres et de personnels compétents pour gérer les questions liées aux différences sexuelles et à l’identité de genre et sensibiliser la population, surtout les plus jeunes, aux problèmes de discrimination.
Le débat très riche qui a accompagné l’élaboration du projet de loi ne va pas être enterré avec le vote rétrograde du Sénat. Il a réussi à faire sortir des lieux académiques des concepts comme « identité » et « rôle de genre » en les séparant du sexe et de l’orientation sexuelle. La réflexion autour de ces thèmes mène à questionner également la hiérarchie sociale qui prétend associer les hommes à la force, la compétition et la gestion des affaires économiques et politiques en réduisant en même temps les femmes à un rôle subalterne.
L’espoir est de voir naître un mouvement large qui lutte contre toutes les formes d’oppression et d’exploitation. Les manifestations et les sit-in qui se sont produits dans tout le pays pour contester l’effondrement de la loi Zan ont été suivis par un rassemblement de 10 000 personnes à Rome contre le G20. Les jeunes de Fridays for Future, les No Tav et les organisations d’extrême gauche ont défilé à côté des travailleurEs de Alitalia et des ouvrierEs de l’usine GKN de Florence.
Des événements positifs dans un contexte général peu rassurant pour l’Italie où l’extrême droite gagne en confiance et les luttes sociales peinent à se décanter.