Le 4 août, une nouvelle tragédie a frappé le Liban. Une explosion d’une ampleur sans précédent dans l’histoire du pays a fait plus de 180 morts (libanais, syriens et autres nationalités), plus de 7 000 blesséEs et 300 000 sans-abris. C’est tout le système politique néolibéral et confessionnel qui est mis en cause.
Les dégâts matériels se chiffrent, eux, en milliards de dollars – une estimation de 15 milliards a été avancée par les autorités. Ce drame vient s’ajouter à une situation socio-économique déjà catastrophique après l’éruption de la crise économique en octobre 2019 et les effets de la pandémie du Covid-19. La proportion des LibanaisES vivant sous le seuil de pauvreté a dépassé les 50 % après la crise du Covid-19, tandis que le taux de chômage atteint les 35 %.
Les sources de ce nouveau drame au Liban sont à rechercher dans le système politique néolibéral et confessionnel et la domination exercée par les différentes fractions des classes dominantes qui le composent.
Tous les partis politiques dominants ont nié avoir eu connaissance de la présence de nitrate d’ammonium dans le hangar du port qui a causé l’explosion mortelle du 4 août 2020. Cependant, toute la structure du port, sa gestion ainsi que l’inspection des douanes, qui gère le port conjointement avec l’autorité portuaire de Beyrouth, sont dans les mains de personnalités affiliées aux acteurs dominants du système politique libanais.
« Soutien » contre austérité
Un grand nombre de chefs d’État ont officiellement apporté leur soutien à la population libanaise. Mais comme dans toute crise, les États et institutions monétaires internationales saisissent ces moments comme des opportunités pour promouvoir et approfondir les dynamiques néolibérales, telle l’extension de l’économie de marché à divers secteurs jusqu’ici étatisés. Emmanuel Macron, lors de sa visite très médiatique de quelques heures au Liban après la tragédie a appelé à des « réformes », de concert avec la directrice du FMI, Kristalina Georgieva.
Leur mise en œuvre a été érigée en condition préalable à tout déblocage d’aides financières aussi bien par le FMI – que le Liban a officiellement sollicité en mai – que par l’ensemble de ses soutiens internationaux, notamment les participants à la conférence de Paris d’avril 2018 qui ont réservé plus de 11 milliards de dollars en prêts et dons pour le Liban. En échange de ces milliards de dollars, le gouvernement libanais doit s’engager à développer les partenariats public-privé, à réduire le niveau de la dette et à promulguer des mesures d’austérité.
Solidarité et contestation populaires
À la suite du drame, une solidarité entre les classes populaires libanaises et étrangères (syriennes, palestiniennes et issues des pays d’Afrique subsaharienne) s’est manifestée, pour apporter de l’aide aux personnes qui ont subi la destruction de leur foyer ou encore pour déblayer les rues des débris.
Durant le week-end des 8 et 9 août, des manifestations massives ont eu lieu à Beyrouth pour exiger que les responsables de la tragédie en répondent devant la justice et renverser tous les partis au pouvoir sans exception.
La démission du Premier ministre Hassan Diab, le 10 août sous la pression populaire, n’a pas calmé le mouvement de protestation qui continue à se mobiliser, même avec une intensité en baisse.
Le 14 août, les principales forces politiques libanaises au Parlement ont entériné l’état d’urgence, qui avait été décrété le 5 août. L’armée libanaise peut donc procéder à des arrestations sans avoir recours à la justice, limiter la liberté de la presse et des médias, interdire les rassemblements, etc. Mettre fin aux manifestations populaires est en effet une priorité pour les partis politiques dominants.
Une alternative à construire
La nomination d’un nouveau Premier ministre avalisé par toutes les forces politiques confessionnelles et bourgeoises se situe dans la perspective de maintenir le système tel quel et sans changement.
Les appels à un nouveau gouvernement d’union nationale rassemblant toutes les forces confessionnelles bourgeoises, comme l’a fait le président français Emmanuel Macron, contribuent au maintien du statu quo.
Les revendications du mouvement de protestation pour la justice sur l’explosion du 4 août viennent s’ajouter à celles soulevées depuis octobre 2019 pour la justice sociale et la redistribution des richesses du pays. Ces demandes ne peuvent être séparées de l’opposition au système politique confessionnel, qui protège les privilèges des élites économiques et politiques.
La construction d’une alternative politique de masse crédible et inclusive, non confessionnelle et sociale, défendant les intérêts de toutes les classes populaires, reste une nécessité.