Les 1200 manifestations Hands Off qui ont eu lieu le 5 avril indiquent l’ampleur d’un mouvement émergent pour s’opposer à l'administration Trump. Plus de 150 groupes — dont l’AFL-CIO, Indivisible, MoveOn et la Ligue des électrices — ont organisé des événements, rassemblant au moins un million de personnes. La plupart d’entre elles sont venues à titre individuel ou avec des amis et des membres de leur famille, plutôt qu’en tant que membres d’organisations syndicales ou communautaires.
Les actions Hands Off reflètent l’émergence d’une nouvelle vague de riposte, qui sont aussi le fruit des frustrations de la précédente administration Biden. Même si l’énergie peut être débordante, il faut néanmoins reconnaître qu’il ne suffira pas d’une seule manifestation pour venir à bout des inégalités induites par Trump et ses sbires. Voici quelques impressions par les membres de Solidarity.
Alameda, Californie
J’ai participé à deux des actions « Hands Off » (avec 10 000 à 15 000 personnes à Oakland, 1 000 à Alameda). Il y avait plusieurs milliers de personnes à Berkeley et d’innombrables autres manifestations dans le sud des comtés d’Alameda et de Contra Costa. Par ailleurs, dans les petites villes de la South Bay, deux manifestations ont eu lieu à Fremont, à environ un kilomètre l’une de l’autre. Au nord de San Francisco, Santa Rosa a connu sa plus grande manifestation avec 5 000 personnes ; près de Sonoma, 3 000 personnes ont également participé. Dans le sud de la Californie, ils étaient 10 000 à Los Angeles.
À Alameda, où j’enseigne, la Palestine était au centre des pancartes et des discours, bien qu’elle n’ait pas été mentionnée dans l’appel à la mobilisation. Même si la moyenne d’âge était assez élevée, des jeunes, parfois avec leurs parents, étaient également présents. Cependant, seul un faible pourcentage de personnes de couleur était présent : principalement des Afro-Américains et des Latinos, mais presque pas d’Asiatiques, qui représentent une part importante de la population de la ville.
Atlanta, Géorgie
Environ 30 000 personnes se sont déplacées — comme en 2017, mais avec une présence syndicale plus importante. Des milliers de pancartes faites maison. La plupart de la foule était plus jeune que la génération X (qui désigne les personnes née dans les années 1960-70) et DSA1 était très visible. Un bon antidote à la passivité de l’hiver. Parmi les orateurs figurait Gabriel Sanchez, membre de DSA élu en tant que socialiste à la législature de l’État en 2024.
Austin, Texas
Plusieurs milliers de manifestants se sont rendus au Capitole du Texas à Austin pour protester contre Trump, Musk et le dépeçage de la démocratie américaine, pourtant déjà faible. Le slogan principal ici comme ailleurs était « Hands Off. Pas touche à Medicare, pas touche à notre démocratie, aux universités, aux bibliothèques, à la liberté d’expression, aux écoles, etc. »
Les pancartes et les affiches présentes dans la foule étaient presque toutes faites à la main, souvent avec un grand sens artistique. Il y avait beaucoup de panneaux pro-démocratie, anti-fascistes et anti-oligarchie. On pouvait également voir un bon nombre de panneaux de solidarité avec la Palestine, ainsi que des pancartes en faveur des droits des immigrés et des transgenres.
La question des écoles a été mise en avant car le gouvernement texan est sur le point d’adopter le financement à grande échelle d’écoles privées avec l’argent des écoles publiques, par le biais de bons d'études ditribués aux familles.
Baltimore, Maryland
La manifestation dans le centre-ville a rassemblé environ 1 000 personnes, ce qui est vraiment bien pour Baltimore. La liste des orateurs était équilibrée d’un point de vue racial, mais le public était majoritairement blanc. La tranche d’âge des participants était large. Il n’y a pas eu de participation de la part des syndicats. Pour autant que je sache, la manifestation a été organisée par une coalition de groupes d’activistes généralement alignés sur le Parti démocrate. Des centaines de personnes ont également manifesté devant le siège de l’administration de la sécurité sociale, à l’extérieur de Baltimore.
Il a été question d’une manifestation encore plus importante le 1er mai, qui comprendrait un appel à « fermer les boites » (les entreprises, les écoles, etc.). La question évidente, me semble-t-il, est celle de la stratégie. Les manifestations successives sont utiles jusqu’à un certain point, mais elles finiront par s’essouffler.
Chicago, Illinois
La foule était si nombreuse qu’il était difficile d’entendre ce que disaient les orateurs. Les organisateurs ont demandé à la foule de commencer à marcher dix minutes avant le début du rassemblement en raison de sa taille — 30 000 personnes ! Au moins la moitié de la foule semblait jeune et majoritairement blanche, bien qu’il y ait eu un bon nombre de personnes de couleur. L’opposition aux déportations était un thème majeur et de nombreuses banderoles et affiches soutenaient la Palestine. La plupart des pancartes étaient faites à la main et couvraient un large éventail de sujets : sécurité sociale, négociation collective, avortement, immigration, Palestine, recherche scientifique, travailleurs fédéraux, DOGE, protection de la démocratie, LGBTQ+, BLM2, etc. Mais les pancartes que j’ai vues le plus souvent disaient non au fascisme ou étaient anti-Trump ou Musk.
Beaucoup de travail a été consacré à la construction de cette manifestation ; pour beaucoup, il s’agissait de leur première manifestation. C'est une évolution globalement positive, même si la proportion de marcheurs noirs et latino américains ne correspondait pas à la composition de la ville. Mais où sont les syndicats ?
Détroit, Michigan
Contrairement à beaucoup d’autres villes, Detroit a organisé une marche mais pas de rassemblement. Environ 6 000 personnes ont défilé depuis le Detroit Institute of Arts avec beaucoup d’enthousiasme et de belles pancartes. La foule était assez diversifiée en termes de sexe et d’âge. Il y avait beaucoup d’Afro-Américains, mais probablement seulement 10 à 20 % dans une ville majoritairement noire. Cependant, il n’y avait pas de cortèges et peu d’entre nous portaient des pancartes syndicales. Le Michigan a organisé au moins 34 actions Hands Off, notamment au Capitole de l’État à Lansing, ainsi qu’à Dearborn, Ferndale et même dans les banlieues tranquilles de Detroit.
Indianapolis, indiana
Malgré une pluie battante, la manifestation « Hands Off » d’Indianapolis a rassemblé plus de 3 000 manifestants. La foule était enthousiaste, mais les orateurs du rassemblement ont reflété la perspective des démocrates de faire changer les choses par la voie des urnes. Des milliers d’autres personnes se sont rassemblées à Muncie et à South Bend.
Houston, Texas
Bien que le Houston Chronicle ait annoncé que 500 personnes s’étaient rendues au rassemblement Hands Off le samedi 5 avril à l’hôtel de ville, il semble qu’il y ait eu plus de 1 000 à 1 500 personnes. Il s’agissait de l’une des 35 manifestations de ce type organisées dans le seul Texas.
Les orateurs étaient pour la plupart des élus démocrates. La rhétorique était donc celle que l’on attendait : « Assurez-vous de vous présenter aux élections de mi-mandat, etc. ». En substance, le message était le suivant : « votez bleu plus fort ». Cependant, il y a eu des exceptions notables, principalement des orateurs de couleur.
Bien que majoritairement blanche, la foule était principalement jeune et quelque peu diversifiée. J’ai rencontré des manifestants intéressants originaires d’Afrique du Sud. J’ai reconnu très peu de personnes, ce qui indique que de nouvelles forces émergent dans ce mouvement de masse passionnant de l’opposition. Je n’ai pas vu un seul contre-manifestant, ce que j’ai trouvé quelque peu surprenant, comparativement au premier mandat de Trump, où des Proud Boys armés, ainsi que d’autres groupes, patrouillaient lors d’événements similaires.
Milwaukee, Wisconsin
Les manifestations Hands Off d’hier ont été largement répandues dans le Wisconsin, avec 9 000 manifestants à Milwaukee. En outre, à Madison, la capitale de l’État, il y avait 10 000 manifestants. Appleton en comptait 2 300, Green Bay 1 500 et plusieurs centaines à Ashland, Eau Claire, LaCrosse, Superior et West Bend (connue comme une enclave MAGA). Beloit, Dodgeville, Janesville, Kenosha, Manitowoc, Monroe, Oconomowoc, Oshkosh et Racine ont également organisé des actions.
Montpelier, Vermont
Il s’agit de la plus grande participation depuis la première Marche des femmes en 2017. Environ 10 000 personnes se sont rassemblées à Montpelier avec peut-être 10 autres rassemblements Vermont Hands Off, dont 1 600 à Brattleboro et 2 000 à Burlington. Il y avait une forte présence de travailleurs et de solidarité avec la Palestine, avec de nombreuses pancartes de DSA Socialism beats fascism (le socialisme bat le fascisme). Beaucoup de drapeaux palestiniens. Beaucoup de syndicalistes, mais pas de cortèges de travailleurs organisés.
New York
Malgré une pluie froide, environ 50 000 à 100 000 personnes ont défilé sur 20 pâtés de maisons ou plus le long de la Cinquième Avenue. Il y avait une majorité de personnes âgées, pour la plupart blanches et avec une participation syndicale très limitée. SEIU et AFSCME n’ont pas fait venir leurs membres, mais certains « influenceurs » noirs se sont prononcés contre la manifestation.
Salt Lake City, Utah
Des milliers de personnes ont manifesté au Capitole de l’État (ce qui est étonnant vu l’engorgement des rues d’accès au Capitole en raison de la conférence générale de l’Église mormone ce week-end). Plusieurs portaient des drapeaux américains à l’envers, signe de détresse utilisé dans la marine. Compte tenu de la variété des attaques lancées par l’administration Trump, l’unité est une nécessité. o
* Solidarity a publié ces impressions sur son site, traduites par la rédaction.
- 1. Le parti DSA (Democratic Socialist of America) est la plus grande organisation socialiste des États-Unis, avec 78000 membres. DSA n’a pas soutenu la campagne de Kamala Harris en 2024, mais des membres se sont présentés au congrès sous la bannière démocrate.
- 2. BLM (Black live matter) est un mouvement social et politique né en 2013 aux États-Unis au sein de la communauté afro-américaine, qui milite contre le racisme systémique envers les Noirs.