La Roumanie, membre de l’Union européenne (UE) depuis 2007, a subi depuis deux ans une des pires cures d’austérité. Le dernier projet de privatiser la santé a provoqué une explosion d’Indignés après de nombreuses protestations syndicales depuis deux ans... Ils viennent d’obtenir un premier succès : le retrait du projet de loi sur la santé. Mais cela ne calme pas la colère populaire.
La Roumanie a connu deux ans de sévères récessions (-7,1 % en 2009 et -1,3 % en 2010) sous l’impact de la crise financière de 2008. Son déficit budgétaire s’est creusé (8,5 % du PIB en 2009). Le FMI, sollicité pour un prêt par le gouvernement de centre droit, a suggéré de privatiser les compagnies de production et de distribution d’électricité qui dégagent des marges de profit dépassant les 25 % – et imposé une véritable guerre sociale*...
Malgré plus de 30 000 manifestants en mai, les salaires des fonctionnaires baissent de 25 %, en juin 2010, les allocations chômage de 15 % et de nombreuses aides sociales sont diminuées, une réforme des retraites supprime les régimes spéciaux et veut imposer le départ à la retraite à 65 ans – dans un pays où l’espérance de vie est de dix ans inférieure à la moyenne de l’UE... 100 000 postes devraient être supprimés dans la fonction publique.
Plusieurs motions de censure sont déposées et rejetées. Et les manifestations se succèdent, en vain, depuis 2010, appelées par les syndicats. Notamment, en mars 2011, cette fois contre le nouveau code du travail qui démantèle les conventions collectives pour instaurer flexibilité et précarisation radicale de l’emploi (embauche en CDD, allongement des périodes d’essai et de préavis). Rien n’y fait.
À la rentrée 2011, c’est au système éducatif de s’aligner sur les « normes » européennes. Et fin décembre, le gouvernement d’Emil Boc s’attaque au système de santé. Ce sera la goutte d’eau...
Le système de santé roumain est en piteux état. Mais les réformes prévues vont bénéficier aux caisses d’assurance privées, sûrement pas aux patients. Alors que la Roumanie dépense seulement 4 % de son PIB dans la santé, à comparer aux 8 % de la moyenne européenne, il s’agit encore de comprimer les dépenses en s’ouvrant aux « opérateurs privés ». Le projet de privatiser les services d’urgence a été explosif ; il se trouve que celui qui a fondé ce service, Raed Arafat (d’origine palestinienne), extrêmement populaire comme peuvent l’être les pompiers, était sous-secrétaire d’État et hostile à ces réformes. Il s’est publiquement opposé à cette privatisation et a démissionné. Cette action n’a pu qu’encourager l’explosion d’indignation qui déferle sur la Roumanie depuis quelques jours.
Des mobilisations pacifiques se sont répandues dans tout le pays, extrêmement mélangées socialement, avec une part importante de jeunes. Quelques supporters de foot s’autoproclamant « hooligans » et fiers de l’être ont provoqué des incidents. Les violences policières ont fait quelques dizaines de blessés. Les milliers de personnes ont repris les slogans de décembre 1989 : « Nous mourons de faim», « respectez-nous ». Mais ils exigent aussi la démission du Président Basescu.
Une première victoire... Devant l’opposition grandissante suscitée par son projet, le président vient d’annoncer son retrait. Mais ce revirement n’a pas calmé la population, et les Roumains ont continué à défiler dans les rues du pays, élargissant leurs revendications à l’austérité qui sévit depuis 2009. « Nous en avons marre de tout avaler, des baisses de salaires de 2010 à la corruption »...
Catherine Samary*Lire sur ces sujets les articles du Courrier des Balkans et http://roumanophilie.wordpress.com/