L’hécatombe libyenne due à un ouragan méditerranéen, dit « Daniel » ou encore « medicane »1, demandera des semaines pour être chiffrée,en nombre de morts et disparus, probablement des dizaines de milliers auxquels s’ajoutent déjà un million de déplacéEs.
Il ne s’agit en rien d’une catastrophe naturelle mais d’un ouragan dont la violence s’est trouvée décuplée par le réchauffement des eaux de la Méditerranée. Des pluies torrentielles se sont abattues sur Benghazi, Shahhat, Al Marj, El Beïda et Soussa, entre autres.
Des barrages non entretenus
La densité des précipitations a entraîné l’effondrement des barrages de Bou Mansour et de Al-Bilad, situés sur le ouadi Derna, en amont de la ville, datant de l’ère Kadhafi, et conçus dans les années 1970 par une société yougoslave2, non entretenus depuis une vingtaine d’années et fissurés dès 1998. Une alerte sérieuse avait pourtant été lancée en 2022 par Abdel-Wanis Achour, un universitaire de El Beïda, en conclusion d’une étude documentée sur les barrages du ouadi Derna : « Les responsables doivent prendre des mesures immédiates pour effectuer l’entretien périodique des barrages existants, car en cas de grande inondation, les conséquences seront catastrophiques pour les habitants, riverains du fleuve ou citadins », disait-il avant de préconiser qu’il faudra « trouver un moyen d’augmenter la couverture végétale pour lutter contre la désertification » et « alerter les habitants vivant en bordure du fleuve sur les dangers encourus et sur les mesures de sécurité à prendre ».
Torrents de boue et risques sanitaires
Les conséquences de cet ouragan annoncé n’ont pas été anticipées comme il se doit par des services météo ou de protection civile, qui auraient dû procéder à l’évacuation des populations, dans une éthique de précaution.
Et ce qui aurait dû être une « inondation » (comme dans la plaine de Thessalonique en Grèce), est devenu un déferlement de boue de plusieurs mètres de hauteur, emportant à Derna (100 000 habitantEs) le quart de la ville dans la mer, les quartiers précaires cédant les premiers.
Aux conséquences classiques de ce type de sinistre, manque d’eau potable et risque d’épidémie, se rajoutent désormais les difficultés d’accès aux sinistréEs, en raison des ponts et des routes coupées, et l’existence de deux autorités en Libye. Les risques de contaminations sont décuplés car il est difficile et long de retrouver les cadavres dans la boue, et les housses pour les isoler font défaut. Enfin, au bout d’une décennie de combats, il y a un risque de contamination par des produits toxiques enfouis, issus des munitions restées au sol depuis des années et libérées par la coulée de boue. Le nombre de déplacéEs risque de grimper car les populations riveraines des barrages vivent désormais dans la peur. Tour à tour, le maire de Toukra et le Croissant Rouge libyen ont mis en garde contre le danger que fait courir le barrage de Jaza aux populations s’il venait à céder à son tour. Une autre alerte a été lancée concernant le barrage du ouadi Al Qattara en amont de Benghazi.
Les populations de Libye, libyennes, soudanaises, égyptiennes ou autres, payent le prix fort de la contre-révolution menée par le maréchal Haftar, plus soucieux d’accéder au pouvoir que du bien commun, et soutenu par l’Égypte, les Émirats arabes unis, la Russie, la France ou encore les milices Wagner. À celles et ceux qui fuient les désastres dus au dérèglement climatique, la seule réponse des gouvernements européens est la guerre.