Depuis le 22 mai, les chauffeurs routiers mènent une grève nationale qui touche plus de 163 villes et trente provinces de l’Iran.
Il s’agit d’un mouvement déterminé et structuré contre la dégradation accélérée des conditions de travail, les salaires de misère, l’insécurité de l’emploi, la corruption dans le processus d’attribution du fret, les retards de paiement des frais de transports, l’explosion des prix du carburant, des pièces détachées, des réparations et des assurances, l’insécurité routière...
Les chauffeurs routiers, porte-voix des travailleurEs
Comme toujours, le pouvoir a recours à la répression, aux arrestations et aux intimidations. Cependant, grâce à leur mobilisation massive et à la solidarité de nombreux segments de la classe ouvrière et de la population, les chauffeurs sont parvenus à contrer partiellement l’appareil répressif.
Leurs revendications dépassent le secteur des transports. Leurs voix font écho à la situation des enseignants, retraités, infirmiers, ouvriers, et autres groupes en difficulté. Chômage, licenciements, surexploitation, revenus inférieurs au seuil de pauvreté, hyperinflation, couverture sociale et code du travail en lambeaux, répressions, sont le quotidien de l’immense majorité. Au septième jour de grève, les chauffeurs des camions-citernes de la raffinerie d’Abadan ont rejoint la mobilisation. La grève des chauffeurs de poids lourd se double de celle de conducteurs de pick-up qui transportent diverses marchandises dans les villes. Dans un pays où 90 % des marchandises circulent par camion, les effets du mouvement se font durement sentir et les prix s’envolent toujours plus haut. Le pays est au bord de l’asphyxie économique.
Le combat des camionneurs entre en résonnance avec les protestations concomitantes des boulangers, confrontés notamment à la flambée des coûts des intrants, aux coupures de courant et d’eau. Dans les semaines à venir, avec l’arrivée des fortes chaleurs, ces coupures vont prendre de l’ampleur et la colère populaire avec.
Un soutien très large
Face à ces dynamiques, le gouvernement a entamé un relatif recul. Encouragé par ces signes de faiblesses, le mouvement se renforce et fait tache d’huile.
Des organisations d’enseignants, de retraités, d’infirmiers, de travailleurs du pétrole, le syndicat Vahed (transports en commun de Téhéran et Banlieue) et celui de l’usine sucrière de Haft Tapeh, mais aussi des détenus politiques comme Narges Mohammadi, lauréate du prix Nobel de la Paix, ont apporté leur soutien à la lutte des chauffeurs. 32 cinéastes (dont Jafar Panahi et Mohammad Rassoulof) signent une tribune dans laquelle ils déclarent notamment : « la grève est un avertissement contre l’injustice, le vol et l’inégalité systémique…, aucun pays ne peut survivre à ce niveau de pillage, de mauvaise gestion… » . Ils expriment ce qu’une majorité sait depuis très longtemps : la République islamique n’est qu’une dictature capitaliste théocratique et corrompue. Alors que les dignitaires du régime font partis des plus grandes fortunes du Moyen-Orient, plus de 60 % de la population vie sous le seuil de pauvreté.
Bien plus qu’une lutte sectorielle
La lutte des chauffeurs routiers n’est pas une irruption spontanée. Les soulèvements à répétition qui agitent l’Iran ne sont pas des conflits catégoriels ou sectoriels. Ils s’inscrivent dans une situation politique, sociale et économique structurelle qui se traduit par l’explosion de la misère, tout ceci dans une société étouffée par la Mollahrchie. Ces mouvements résultent de la formation d’une conscience de classe forgée dans l’expérience des luttes sociales et démocratiques.
Pour les secteurs combatifs de la classe ouvrière, la jeunesse, les mouvements féministe et d’émancipation nationale, la solution est dans l’organisation indépendante des travailleurs et des travailleuses, la jonction des fronts de luttes pour le renversement de la République islamique, pour l’égalité, la justice sociale et la démocratie.
Babak Kia