Publié le Mercredi 9 décembre 2020 à 11h09.

Macron et le Liban : encore et toujours les « réformes »

Alors qu’Emmanuel Macron reçoit le dictateur égyptien Abdel Fattah al-Sissi à Paris, le président français continue à se mobiliser sur le dossier libanais pour mettre en œuvre les « réformes » exigées notamment par Paris et la Banque mondiale.

Le 2 décembre, une visio­conférence internationale en « soutien à la population libanaise », co-présidée par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et le président français, Emmanuel Macron, la Banque mondiale, l’Union européenne et les Nations unies, a présenté le programme d’action intitulé « 3RF – réforme, relèvement, reconstruction ». Prévue au départ pour la mi-octobre, cette deuxième conférence fait suite à celle du 9 août, quelques jours après l’explosion dans le port de Beyrouth.

« Dons » contre mesures d’austérité

Officiellement, ce plan doit cibler les besoins urgents de la population libanaise affectée par l’explosion du port de Beyrouth le 4 août, et soutenir le rétablissement et la reconstruction de la ville. Le coût de la réhabilitation des infra­structures publiques, excluant le port, d’ici à 2021, est estimé entre 1,8 et 2,2 milliards de dollars. La reconstruction du port de Beyrouth n’est pas incluse, car elle doit faire l’objet d’un partenariat public-privé selon les porteurs du plan.

Dans ce cadre, les présidents de la visioconférence, Emmanuel Macron en tête, ont particulièrement insisté, une nouvelle fois, sur la nécessité de lancer un programme de « réformes ». Ces « réformes » sont basées sur les termes de la conférence de Paris d’avril 2018 qui réserve plus de 11 milliards de dollars en prêts et dons pour le Liban en échange de l’engagement du gouvernement libanais à développer des partenariats public-privé, à réduire le niveau de la dette et à promulguer des mesures d’austérité.

Pour la mise en œuvre de ces « réformes », Macron et les autres membres de la visioconférence ont rappelé l’exigence de la formation rapide d’un nouveau gouvernement, à la suite de la démission du précédent en août. L’ancien Premier ministre Saad Hariri a bien été désigné fin octobre pour constituer un nouveau gouvernement, mais le processus n’a toujours pas abouti. Faute de gouvernement et de lancement des « réformes » requises, Macron et ses colistiers ont averti que le champ d’action du 3RF se verrait sérieusement limité et que la majeure partie « des aides financières » ne serait pas fourni.  

Hyperinflation

Tout cela se déroule alors que la situation économique et financière du pays ne cesse de se détériorer, accélérée ces derniers mois par la pandémie du Covid-19 et la tragédie criminelle de l’explosion du 4 août. L’hyperinflation de plus de 75 % attendue en 2020 a précipité encore plus une importante partie des LibanaisES sous le seuil de pauvreté, estimée à environ plus de 50 %. En même temps, le cabinet étatsunien Alvarez & Marsal, chargé du volet juri­comptable de l’audit des comptes de la Banque du Liban (BDL) a rompu son contrat avec l’État libanais à la fin novembre en raison du refus de la BDL de lui fournir les documents requis pour sa mission, sous prétexte de secret bancaire. Cela démontre notamment la volonté de l’institution, symbole et acteur prédominant dans la politique économique néolibérale des élites du pays, de ne pas dévoiler la corruption des responsables politiques impliqués dans de multiples affaires financières illicites et de corruptions.

Les déclarations et agissements de Macron et des instances monétaires internationales restent dans les mêmes orientations que les précédentes : maintenir au pouvoir les partis confessionnels néolibéraux dominants, responsables de la misère sociale des classes populaires au Liban, en les appelant à s’unir, à nouveau, au sein d’un gouvernement d’union nationale capable de réaliser les « réformes » des bailleurs de fonds qui appauvriront encore davantage de large secteurs de la société.