Publié le Samedi 17 décembre 2022 à 12h00.

Maroc : une victoire au foot n’efface pas la Hogra

La ville de Rabat a connu le dimanche 4 décembre 2022 l’organisation d’une marche nationale. Cette marche, qui a rassemblé 3 000 personnes environ, avait pour slogan : «Tous contre la cherté de la vie, l’oppression et la répression ».

Elle était organisée par le front social national qui regroupe plusieurs organisations politiques, syndicales et de défense des droits humains, pour dénoncer la vague de flambée des prix et l’escalade répressive conduite par le régime contre toutes les voies dissidentes

La première marche depuis la pandémie de covid

Cette marche nationale est la première depuis le début de la pandémie en mars 2020, dont les autorités ont profité pour interdire toutes les formes d’expression collectives. Les participantEs à cette marche ont scandé des slogans qui dénoncent les récentes attaques contre le pouvoir d’achat et le chef de gouvernement, le milliardaire Aziz Akhenouch avec des pancartes où l’on peut lire : « Akhenouch dégage ».

Les raisons structurelles de la détérioration des conditions de vie de la majorité de la population sont liées aux choix économiques néolibéraux qui ont été adoptés par ceux qui gouvernent notre pays depuis des décennies déjà. Les politiques de libéralisation et de privatisation, par exemple, profitent à une élite locale qui tourne autour du « palais » et qui souvent s’associe avec des multi­nationales occidentales pour s’accaparer des territoires (eau, forêts, terres, mines…) ou les entreprises publiques les plus rentables, ou encore des secteurs stratégiques et vitaux tels que la distribution d’eau, l’énergie, l’éducation ou la santé.

Ces facteurs structurels sont les premiers responsables de cette situation car ils limitent, en plus, la capacité de l’État à faire face aux conditions conjoncturelles en réduisant constamment le budget des services publics et en augmentant notre dépendance alimentaire et énergétique. Cela accroît notre fragilité par rapport aux fluctuations des prix des produits essentiels pour notre peuple et notre économie. S’y ajoutent les effets de la sècheresse qui est devenue plus intense et plus fréquente les 20 dernières années, en lien avec la crise écologique globale et le réchauffement climatique.

La réponse du gouvernement aux crises et aux inégalités : la répression

Les inégalités sociales au Maroc sont également les plus fortes de la région selon les derniers rapports d’Oxfam. La répression apparaît comme la seule réponse qu’a l’État marocain pour gérer ces crises multiples exacerbées. Le régime a réussi à mettre en place un climat de terreur où les gens sont poursuivis et condamnés pour un simple post Facebook, ou même pour avoir cliqué sur le bouton « J’aime »

Concernant la victoire de l’équipe nationale à la Coupe du monde, le régime a déjà lancé sa machine médiatique pour en profiter au maximum et promouvoir une soi-disant unité nationale et endormir les masses. Malheureusement, les gens ont besoin aujourd’hui d’un sentiment de victoire même illusoire étant donné les multiples échecs et la détresse dont ils souffrent dans tous les aspects de leur vie quotidienne.

Mais je pense que cette joie sera éphémère et que, même si une victoire au foot réussit à faire oublier pour quelques jours aux gens leurs conditions de vie terribles, le sentiment de mécontentement et de mépris (Hogra) des classes populaires reprendra. Ce que nous ne pouvons pas prédire, c’est quand  ce sentiment de mécontentement va s’exprimer pour donner lieu à des mobilisations collectives à la hauteur de la violence de l’attaque des classes dominantes.

Jawad Moustakbal du CADTM Maroc (propos recueillis par Éric Toussaint)

Version intégrale à lire sur https://www.cadtm.org/Maroc-La-marche-de-protestation-du-4-decembre-2022-et-ses-antecedents