Cela fait plus de quinze jours que se développe à Mayotte un puissant mouvement de protestation contre la vie chère avec grève générale, blocage des ronds-points, manifestations, et maintenant fermeture de tous les commerces.
Le pouvoir a réagi comme il le fait toujours dans ses colonies, par la violence, en envoyant des renforts de gendarmerie et des blindés qui patrouillent dans les rues. En ce moment même, un enfant est entre la vie et la mort, touché par un tir de flashball.
Quelle qu’en soit l’issue, cette séquence marquera. Elle est indéniablement le début d’un processus de prise de conscience par la population de la nature de l’État et du système auxquels elle se sera confrontée.Dans cette île, occupée par la France au mépris du droit international, des résolutions de l’ONU et de l’Union africaine, on avait promis aux Mahorais, en échange du statut de département d’outre-mer, l’égalité et le progrès social.
Ils n’ont eu ni l’égalité avec les autres citoyens français ni le progrès social.En guise d’égalité, ils n’ont rencontré que le mépris et les propos racistes de certains hauts fonctionnaires, dans un territoire où la quasi-totalité des cadres de l’administration et de l’économie viennent de la métropole. La population y est totalement otage, pour ses besoins essentiels, des trusts de l’alimentaire, comme le groupe Casino qui contrôle, par l’intermédiaire de sa filiale Vendémiaire, l’hypermarché Jumbo-Score ou de Total pour ses besoins en énergie.
C’est ainsi que le carton d’ailes de poulet, base de l’alimentation, coûte 24,21 euros les 10 kg contre 15,90 euros à La Réunion et que la bouteille de gaz est trois fois plus chère qu’en métropole. Par contre le RSA qui va bientôt être instauré est lui 25 % plus bas et ne pourra être augmenté que dans cinq ans !
Cela fait des mois que le mécontentement grandissait et qu’éclataient périodiquement des mouvements de protestation déterminés. Mais chaque fois le pouvoir parvenait à reprendre la main par de nouvelles promesses et, surtout, en utilisant l’arme de la division en tentant de dresser la population contre les « clandestins » venus des autres îles de l’archipel.
Cette fois, ils ont bien essayé en faisant courir des rumeurs sur une « régularisation massive des clandestins » [sic], cela n’a pas fonctionné, bien au contraire. Mardi, le Collectif des réfugiés africains a appelé à rejoindre le mouvement. Dans une déclaration, Abdallah Akishuli qui dirige ce collectif, a exprimé l’accord des réfugiés africains avec les revendications contre la vie chère. Il en a profité pour rappeler « la situation de précarité qu’ils endurent au vu et au su de tout le monde ».
Jeudi, pour la première fois, la population des quartiers les plus pauvres – les jeunes et les femmes en particulier – s’en est pris directement à un convoi de gendarmes mobiles, symbole de l’État colonial, de la répression et de la chasse aux réfugiés. Vendredi, l’accord signé par le préfet, les chefs d’entreprise et l’intersyndicale a été rejeté massivement par les manifestants réunis sur la place principale de Mamoudzou.
Pendant tout le week-end, les manifestations et les affrontements ont continué, des élus locaux qui réclamaient le départ des forces de l’ordre se sont même fait matraquer à leur tour ! L’île est paralysée, la population est exaspérée. Elle a besoin d’une solidarité politique active.
Alain Castan