Publié le Jeudi 18 novembre 2021 à 08h00.

Nicaragua : les votes nuls confirment la farce de la réélection de Daniel Ortega

Alors qu’à l’intérieur et à l’extérieur du Nicaragua, diverses voix allant des médias, aux gouvernements, en passant par des activistes et des citoyens en exil appelaient à boycotter l’élection présidentielle du dimanche 7 novembre, une « foule » de 155 854 personnes a pris une autre direction en se rendant aux urnes, sans tapage ni manifestation, pour annuler ses bulletins de vote.

Ce mouvement, qui n’a pas de leaders, est arrivé en troisième position, sans être détecté par les centaines de policiers et de paramilitaires qui étaient à l’affût des « non-conformistes ».

Protestation silencieuse

Alors que Daniel Ortega et son épouse Rosario Murillo [vice-présidente] se préparent à célébrer une troisième réélection présidentielle qui les maintiendra au pouvoir jusqu’en 2027, le nombre de votes nuls au Nicaragua s’est hissé au troisième rang, dépassant de loin quatre des cinq partis collaborationnistes qui ont participé aux élections de dimanche dernier. Une sorte de protestation silencieuse de personnes qui se sont mobilisées au sein des bureaux de vote et ont annulé leur vote sur leur bulletin.

Sans représentants de l’opposition ni campagnes publiques contre le régime Ortega-Murillo, les votes nuls ont atteint 155 854, seulement dépassés par les 372 648 voix du Parti libéral constitutionnaliste (PLC) dont le candidat était Walter Espinoza et par l’alliance dirigée par le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) avec 2 100 322 bulletins en leur faveur.

Une base de données compilée par El Faro à partir des résultats préliminaires du Conseil suprême électoral (CSE) montre que les votes nuls l’emportent sur quatre partis collaborationnistes : Camino Cristiano Nicaragüense (CNN), Alianza Liberal Nicaragüense, Alianza por la República (APRE) et Partido Liberal Independiente (PLI).

Selon les chiffres officiels le taux de participation a été de 65,25 % sur le corps électoral de 4 478 334 personnes. Mais, l’Observatorio Ciudadano Urnas Abiertas a indiqué que le taux d’abstention était de 81 %.

Un aspect négligé par le récit officiel

Les résultats ont été fortement remis en question au plan international avant même que les premiers chiffres préliminaires ne soient publiés tôt lundi matin. Le président des États-Unis, Joe Biden, a qualifié la réélection de Daniel Ortega de « pantomime », tandis que le gouvernement costaricain a condamné les élections pour de graves violations des droits des citoyens. Le Chili, pour sa part, a publié un communiqué dans lequel il avertit que les irrégularités ont déjà été dénoncées par l’Union européenne et par d’autres pays.

Pendant la journée électorale de dimanche, le gouvernement sandiniste a diffusé des messages destinés à rassurer la population sur les chaînes de télévision officielles. Les animateurs et les producteurs ont pris soin de montrer qu’il y avait une forte participation dans les bureaux de vote.

Les citoyens ont répondu, mais par des votes nuls, un aspect négligé par le récit officiel. Dans 14 des 15 départements du Nicaragua, les personnes qui ont choisi d’invalider leur bulletin de vote ont devancé en nombre quatre des cinq partis collaborationnistes. Ce n’est qu’à Río San Juan [département le moins peuplé du pays] qu’ils sont restés à la traîne.

Dans la capitale, Managua, 43 290 votes nuls ont été enregistrés, devant les 27 810 pour le CNN et les 26 346 de l’ALN. Et ils sont trois fois plus nombreux que ceux d’APRE, 15 610, et du PLI, 13 952. Les votes nuls confirment la farce de la réélection de Daniel Ortega.

Article publié par El Faro le 9 novembre 2021, diffusé par Correspondencia de Prensa. Version intégrale (en français) sur alencontre.org