Jeudi 16 septembre, six salariés de Sogea-Satom, filiale du groupe Vinci, et un salarié d’Areva ont été enlevés à Arlit, au nord du Niger. Cinq d’entre eux sont français. L’enlèvement aurait été commandité par un des groupes islamistes opérant dans le Sahel et se revendiquant d’Al-Qaïda, peut-être celui qui a enlevé Michel Germaneau, exécuté cet été à la suite d’une opération militaire franco-mauritanienne ratée. Si ce scénario est confirmé, il faut y lire une intention délibérée de frapper la France au cœur de ses intérêts économiques stratégiques sur le continent africain. C’est en effet du Niger qu’est extrait par Areva le tiers de sa production mondiale d’uranium, proportion qui doit encore progresser avec l’ouverture prochaine du gisement géant d’Imouraren. S’il y a peu de risque de voir la multinationale, dont l’État français est le premier actionnaire, renoncer à une exploitation aussi rentable que dangereuse pour les populations locales, on va en revanche assister à une remilitarisation de la présence française dans les pays de la zone sahélienne. Depuis plusieurs mois déjà, les forces françaises du commandement des opérations spéciales (COS) ont renforcé leur coopération avec la Mauritanie et le Mali pour ne pas lâcher du terrain face aux forces spéciales américaines, engagées depuis plusieurs années dans des programmes de formation et des exercices militaires grandeur nature avec les armées de la région, au nom de la lutte anti-terroriste mais visant en fait à préparer le terrain à d’éventuelles interventions. L’armée mauritanienne, bien qu’elle nie à nouveau tout lien entre la prise d’otages et sa récente intervention militaire au Mali contre Al-Qaïda, confirme son rôle de supplétive de l’armée française, depuis le putsch du colonel Abel-Aziz qui a eu les faveurs de l’Élysée. Cette fois-ci, les forces spéciales françaises qui les encadrent sont restées plus discrètes ou se sont tenues à l’écart des combats. Des élus maliens ont également dénoncé des bavures, un véhicule civil ayant été pris pour cible par erreur par l’aviation mauritanienne, tuant une fillette et sa mère et blessant plusieurs personnes. 80 militaires français ont pris position au Niger, officiellement pour n’effectuer que des vols de reconnaissance et apporter un « soutien technique » à l’armée nigérienne. Mais le porte-parole du gouvernement n’a pas exclu la possibilité d’une intervention militaire française. S’il est de plus en plus clair que la question du terrorisme va devenir centrale dans le discours visant à relégitimer la présence militaire française en Afrique, l’efficacité réelle en la matière reste à démontrer, comme l’a montré l’affaire Germaneau. À l’inverse, il faut craindre que ces interventions donnent aux groupes sahéliens qui se revendiquent d’Al-Qaïda le moyen d’accroître leur légitimité aux yeux des populations locales sous couvert d’anti-impérialisme, comme cela s’est produit avec les talibans en Afghanistan ou les shebabs en Somalie. Robin Guébois