Les résultats des élections locales du 14 octobre constituent un nouveau tremblement de terre politique en Flandre et dans le pays. Le Nord est le théâtre d’une profonde recomposition politique à droite, au profit de la NVA nationaliste. Au Sud, par rapport aux législatives de 2010, la social-démocratie recule au profit des libéraux, mais reste le premier parti. Les Verts se tassent en Wallonie, mais progressent en Flandre. L’extrême droite recule.
En Flandre, en Wallonie et à Bruxelles le PTB (Parti du Travail de Belgique) réussit une percée qui témoigne de l’aspiration à une alternative de gauche.
Bart De Wever, le leader nationaliste, sera bourgmestre d’Anvers : il a battu le bourgmestre social-démocrate sortant, Patrick Janssens (SP.a). Devenue premier parti flamand en 2010, la NVA est en position de négocier le maïorat dans plus de trente municipalités, et vient en tête dans trois provinces sur cinq... C’est un triomphe pour cette formation qui, en 2006, n’était que le partenaire de cartel des chrétiens démocrates du CD&V – le parti historique de la bourgeoisie flamande.
Il est délicat de tirer des conclusions nationales d’un scrutin local. Mais De Wever n’a pas fait campagne sur les enjeux municipaux. Pour lui, ces élections allaient démontrer que la politique du gouvernement fédéral est refusée par une majorité de Flamands, qui en veulent une autre, encore plus néolibérale. Et il a gagné ce pari. Si les résultats de dimanche étaient transposés au Parlement flamand, la NVA récolterait 38 sièges (16 actuellement), le CD&V 29 (au lieu de 31), tandis que le SP.a et le VLD en auraient 18 (au lieu de 19 et de 21, respectivement).
Dès le 14 au soir, De Wever s’adressait au Premier ministre, le social-démocrate francophone Di Rupo, pour lui dire en substance : la Flandre ne veut pas de votre politique « socialiste taxatoire » ; les francophones ne peuvent pas l’imposer à la majorité flamande ; la NVA gagnera les élections législatives de 2014 et exigera alors le confédéralisme ; mieux vaut donc le négocier dès maintenant… Di Rupo a botté en touche en insistant sur le caractère local du scrutin. Sans convaincre… Car le fond de l’affaire, est que son projet – une politique de réformes communautaires et sociales néolibérales pour sauver les partis traditionnels flamands, donc le « système belge » et la place qu’y occupe la social-démocratie – est en train d’échouer.
Ce n’est pas une surprise. La sixième réforme de l’État contenait les ferments d’une crise politique encore plus grave. Quant à la politique socio-économique, elle n’est guère plus « socialiste » que celle de Papandréou. Si De Wever la dénonce, c’est parce que le patronat flamand veut aller plus vite et plus loin dans la régression sociale… Comme la social-démocratie veut rester au pouvoir à tout prix, elle donnera de nouveaux gages à la droite, au nom du sauvetage du pays. De graves menaces pèsent donc sur le monde du travail. Mais les directions syndicales n’osent pas lutter de façon décidée, parce qu’elles confondent la défense de la Sécu avec le maintien de l’unité du pays et n’ont pas d’alternative.
Cette politique du moindre mal renforce De Wever et toute la droite avec lui. Heureusement, elle commence à être contestée. Le 1er Mai dernier, une grosse fédération locale de la FGTB appelait à la construction d’une alternative politique anticapitaliste. C’était un signe. Les élections du 14 octobre en apportent un autre : la percée du PTB (Parti du travail de Belgique) dans plusieurs grandes villes, au nord et au sud. À Anvers et Liège, elle le met en position de franchir le seuil d’éligibilité aux législatives. Ce succès récompense le changement d’image du PTB. S’il l’amenait à rompre définitivement avec sa matrice mao-stalinienne originelle, ce serait une bonne nouvelle pour toute la gauche.
Daniel Tanuro